ITINERAIRE EFFECTUE au PARAGUAY
du 17 septembre au 26 septembre 2016
soit au total 687 km dont 20 km de piste
MISE A JOUR 02.10.16 et suivantes
17 septembre 2016 Trinidad (Par) - San Cosme y Damian
Nous commençons notre journée par une visite de la mission jésuite de Trinidad qui est considérée comme l’ensemble architectural le mieux conservé des trente missions ou réductions jésuites qui ont perduré plus de un siècle jusqu’à l’expulsion des Jésuites d’Amérique du Sud.
C’est l’occasion de revenir sur cette aventure captivante. Les membres de l’ordre ont fondé au total 48 missions, dont un tiers n’a pas perduré au-delà de quelques années. 29 Jésuites y ont laissé leur vie dans des circonstances diverses. L’approche des Guaranis par les Jésuites s’est différenciée de l’œuvre des autres évangélistes qui étaient généralement plus liés aux pouvoirs militaire et civil des conquistadors. Les disciples d’Ignace de Loyola ont d’abord formalisé et appris la langue du peuple Guarani, aux traditions uniquement orales, puis établi un dictionnaire pour que chaque missionnaire connaisse la langue avant d’aller au-devant des indiens. Ils ont cherché à comprendre les indigènes et leurs croyances et ont adapté leur message évangélique à la mystique de ce peuple. Les Guaranis étaient des semi-nomades qui chassaient et cueillaient les produits de la selva, mais pratiquaient aussi la culture de maïs et de manioc sur brûlis, se déplaçant tous les 2 à 3 ans pour trouver un nouveau sol fertile. Cette vie a été perturbée par l’arrivée des colons et surtout par l’encomienda et les razzias effectuées par les esclavagistes portugais depuis la région de Sao Paolo. Les Jésuites ont obtenu l’adhésion des caciques, et populations guaranis, à leur message évangélique par la conviction et l’exemple, et sans le concours des colons espagnols. Ils ont également mis en place, en intégrant les chefs traditionnels, une structure de communauté forte et solidaire pour résister aux agressions et aléas du temps. La meilleure preuve de cette approche douce et ouverte est le fait que les réductions, qui comptaient entre 3'000 et 8'000 guaranis, n’étaient encadrées spirituellement et économiquement que par 2 ou 3 jésuites s’appuyant sur les caciques. Ainsi un conseil, réunissant quelques dizaines de chefs traditionnels, exerçait la gestion courante et les tâches de police dans la communauté. Le travail était organisé de manière respectueuse et solidaire, une partie des activités étant développée pendant 6 heures par jour sur les parcelles (cultures vivrières, de maté ou élevage) ou dans les ateliers de la communauté, le reste de la journée étant consacré à la musique, à l’enseignement religieux et artistique et à la culture de la parcelle dont chaque famille disposait en propre. Les communautés vivaient cependant de manière fermées sur elles-mêmes, les pères jésuites souhaitant éviter la contagion des problèmes amenés par les colons (maladies, alcool, etc.)
La mission de Santisima Trinidad del Parana est en effet remarquablement conservée. Son vaste site a été presque entièrement déboisé, mettant en évidence les perspectives des murs des bâtiments, souvent conservé jusqu’aux appuis des charpentes. La nef de l’église et sa chaire richement sculptée sont entourées des hauts murs de blocs de grès présentant des niches avec les sculptures des saints et des médaillons richement décorés.
Nous quittons ensuite Trinidad pour gagner la mission voisine de Jesus de Tavarangué où les bâtiments ordinaire de la mission ont quasiment disparu. Les murs de l’église, sans doute la plus grande des missions, sont remarquablement conservés, entourant une nef de 24 mètres de largeur par 70 mètres de longueur. Ils n’ont jamais reçu de charpente, les Jésuites ayant été bannis, en 1767, avant la pose de celle-ci. Une aile du cloître des pères est également bien conservée.
Nous prenons ensuite la route de Encarnation, puis de la mission de San Cosme y Damian située à une quarantaine de kilomètre à l’Ouest de celle-ci au bord du Rio Parana.
18 septembre 2016 San Cosme y Damian - San Igniacio Guazu
La mission de San Cosme y Damian est partiellement intégrée au village actuel et quelques maisons des indiens, bordant la place municipale, sont encore utilisées aujourd’hui. L’église, dont la nef a été raccourcie et cloisonnée du chœur, est restaurée et bénéficie d’une nouvelle toiture.
Elle est le lieu de culte paroissial et la messe y est célébrée chaque dimanche. C’est émouvant de voir que ces murs tricentenaires ont conservé leur vocation première.
Une aile de la clôture des pères, dont la toiture est originale, couvre la colonnade du patio intégralement préservée. D’une longueur d’une soixantaine de mètres, pour une largeur d’une dizaine, elle abrite des salles utilisées pour le catéchisme ou l’école et différents dépôts.
Ces pièces d’environ 8 mètres sur 8 sont plafonnées à environ 5 mètres de hauteur et un escalier vertigineux permet d’accéder aux combles. Certains plafonds laissent apparaître de belles peintures décoratives d’origine avec leurs motifs végétaux.
San Cosme y Damian a passé à la postérité grâce au petit cadran solaire qui est proéminent sur le jardin, à côté d’un puit, au milieu de la colonnade du patio.
Le père Buenaventura Suarez (1679-1750), l’un des plus brillants astronomes de son temps, après avoir étudié à l’université jésuite de Cordoba, fut l’un des responsables de cette mission. Il réalisa son premier télescope avec des matériaux locaux, en particulier le quartz du Rio Parana. Grâce au cadran solaire taillé dans le gré rose, il réussit à prévoir, dès 1739 toute les éclipses de lune, à la minute près, jusqu’en 1903. Un petit musée astronomique a été réalisé, à côté de la mission, et offre aux visiteurs des exposés remarquables qui commentent des projections hémisphériques des différentes constellations.
Nous reprenons ensuite la route nationale No 1 en direction d’Ascunsion, pour atteindre San Igniacio Guazu (la grande), ville de 25'000 habitants qui est surnommée la capitale du baroque hispano-guarani. Elle a été la première mission jésuite fondée en 1609, sur les terres du cacique Arapyzandu. Il ne reste que peu de traces des bâtiments d’origine, construits à cet emplacement après la migration de 1667 pour fuir les razzias portuguaises. Cependant quelques casa de indios réutilisées, par exemple par la bibliothèque municipale témoignent de la présence missionnaire. Une belle église a été construite, dans les années 1920 au centre du parc boisé qui fut autrefois la place principale de la mission. Elle est décorée de motifs peints identiques à ceux qui ornaient les missions.
C’est un plaisir pour le cornac d’assister à la messe du dimanche soir dans ce bel édifice.
19 septembre 2016 San Igniacio Guazu - Sapucaï
Vers 9 heures nous commençons par la visite du superbe musée jésuite, qui occupe un bâtiment du XVIIème siècle, avec patio à colonnade, parfaitement conservé.
Il appartient aux Jésuites, qui sont revenu à San Igniacio en 1933, et qui ont également leur cure à l’intérieur de ce périmètre où vivaient leurs prédécesseurs missionnaires. Le musée réunit une magnifique chaire de bois, sculptée et colorée dans le style baroque hispano-guarani.
Une vingtaine de belles statues de saints, sculptée avec une précision qui a fait la réputation des artisans guaranis. Ainsi sur une belle statue de St-Marc, on peut voir nettement les veines de la main qui tient la bible…
Des objets d’époque ayant appartenus aux indiens sont également présentés dans quelques vitrines.
A l’entrée du musée une affiche réunit les images d’Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre de Jésuites et du Pape François, premier pontife issu de l’ordre qui a souvent eu des relations tumultueuses avec le Vatican.
Cette visite est une belle conclusion à notre « campagne » de visites des missions jésuites que même Sylviane, qui n’est pas passionnée des vieilles pierres, a appréciées.
L’épilogue de cette incroyable aventure humaine intervint en 1769, lorsque l’ensemble des Jésuites d’Amérique du sud furent arrêtés et ramenés en Europe. Les missions jésuites avaient pris trop d’ampleur économique, sociale et politique. La trentaine de réductions regroupait plus de 150'000 Guaranis et la puissance économique de leur système de production leur avait valu le surnom « d’empire du maté ». Elle nuisait aux colons, commerçants et producteurs, et au système de travaux forcés de l’encomienda. Elle représentait également une puissance militaire puisqu’une dizaine de milliers de Guaranis avait été formés pour combattre les mameloucos portugais. Par rapport au clergé traditionnel elle représentait également une concurrence dangereuse, le dévouement et le dénuement des Jésuites, et leur emprise sur les Guaranis, mettant cruellement en évidence les compromissions de l’église avec les colons et l’enrichissement matériel du clergé. La cour d’Espagne, désormais aux mains centralistes des Bourbon, et le Vatican s’associèrent pour interrompre brusquement l’expérience des missions jésuites Sud-Américaines. De nombreux indiens retournèrent dans la forêt, certains furent soumis à l’encomienda et d’autres furent capturés par les portugais pour devenir esclaves dans leurs plantations.
Nous quittons la région des missions jésuites en partant plein Nord sur une centaine de kilomètres sur la nationale 1. A Quindi nous prenons une piste qui doit nous amener, en une soixantaine de kilomètres à Sapucaï. C’est l’occasion de stopper près de cueilleurs de canne à sucre pour faire quelques photos et échanger quelques mots.
20 septembre 2016 Sapucaï - San Bernardino
Nous avons passé une nuit calme à proximité du musée du chemin de fer de Sapucaï qui est notre objectif ici.
Dès la colonisation le Paraguay avait obtenu, du Roi d’Espagne, l’autorisation d’élire de manière exceptionnelle et provisoire son gouverneur en cas de défaillance (parfois provoquée) de celui choisi par le Roi. Lorsque les Argentins, profitant de l’occupation de l’Espagne par Napoléon, déposèrent le vice-roi de La Plata qui administrait aussi le Paraguay, ils attaquèrent cette région pour destituer le gouverneur Velasco. Les Paraguayens, refusant de devenir dépendant de Buenos Aires, défendirent celui-ci et battirent les indépendantistes argentins. Par contre lorsque Velasco entreprit des démarches pour obtenir l’aide des forces portugaises, il suscita une révolte de quelques officiers appuyés par des notables et fut déposé à mi-mai 1811. Le Paraguay devint ainsi indépendant, passant dès 1814 sous la coupe d’un des notables, Rodriguez de Francia, qui après avoir écarté les militaires se fit élire par le Congrès dictateur « suprême »pour 5 ans, puis à vie. Sa mort en 1840 provoqua 4 ans d’instabilité avant que son neveu Carlos Antonio Lopez poursuive le régime dictatorial, toutefois en ouvrant son pays vers l’extérieur et en le modernisant par de grands travaux sans réaliser d’emprunt extérieur. C’est sous son impulsion qu’un des premiers chemin de fer d’Amériques du Sud fut construit dès les années 1850 reliant la capitale à Paraguari (à 40 km) dès 1864, puis à Villarica (à 100 km) dès 1880 et enfin à Encarnacion dès 1913.
Dès 1890, la gare de Sapucaï, à mi-chemin entre Ascuncion et Villarica, devint la base logistique de la ligne de chemin de fer en pleine extension. Un village anglais d’une trentaine de maison fut construit, pour accueillir les ingénieurs britanniques chargés de construire la ligne.
A côté, de grands ateliers furent implantés comprenant tout ce qui était nécessaire pour la construction du train, y compris une fonderie. Ce sont ces ateliers, et quelques vieilles locomotives, qui sont le coeur de la visite.
Imaginez une halle de plus de 100 mètres de longueur par 60 de largeur dans laquelle se trouvent toute les machines nécessaire à l’entretien du train et à la construction de la ligne.
Des machines à la taille des pièces nécessaire comme une fraiseuse radiale de plus de 3 mètres de hauteur ou deux tours permettant d’usiner un essieu de train complet avec ses roues.
De nombreux tours, perceuses, raboteuses, plieuses, meules, de même que dans un espace séparé les machines de menuiseries, sont entraînées, comme les grosses machines, par les courroies provenant d’un arbre principal de 40 mètres de longueur, supporté au sommet des piliers qui tiennent la toiture.
C’est arbre principal est entraîné par une machine à vapeur Lincoln, dont le piston a 50 cm de diamètre pour une course d’environ 1 mètre. La vapeur est produite à l’aide de trois chaudières à bois identique à celles des locomotives et ravitaillées par une voie spécifique.
Le bâtiment qui comprenait autrefois les bureaux de la ligne présentent une intéressante collection de mobilier, accessoires et petits objets nécessaires au fonctionnement de la ligne abandonnée en 2000.
En fin de matinée nous quittons Sapucaï pour nous rendre à Vapor Cué, autre site surprenant situé à 80 km. Fransisco Solanao Lopez, qui, élu dictateur pour 10 ans, succéda à son père en 1862, eut la présomption de déclarer la guerre au Brésil et à l’Argentine, guerre qui ruina le pays jusqu’en 1870. C’est au cours de celle-ci que la flotte de guerre fluviale du Paraguay, fuyant la flotte brésilienne s’embourba et se saborda dans le petit Rio Yhaguy. Les restes des bateaux furent sortis de leur prairie pendant la dictature (1954-1989) du général Stroessner.
21 - 26 septembre 2016 San Bernardino
Beau, 25 à 35°C la journée, heureusement nuits fraîches 16 à 20°C.
San Bernardino est, ou plutôt était la station balnéaire et festive des habitants de la capitale Ascuncion, 600'000 habitants, mais 2 millions avec les faubourgs. La ville, fondée en 1537 sur les rives du fleuve Paraguay, est bordée, à une vingtaine de kilomètres à l’Est par le lac Ypacarai. Ce lac, long d’une vingtaine de kilomètres par 6 de large, mais d’une profondeur maximum de 3 mètres, est malheureusement interdit à la baignade depuis 2012 pour cause de pollution. En effet la capitale et sa région n’ont pas de solution satisfaisante pour éliminer les déchets et traiter les eaux usées. Les somptueuses villas et les hôtels aujourd’hui un peu défraîchis témoigne de la splendeur passée de cette ville aux avenues pavées et ombragées par de grands arbres.
Le marché du dimanche reste un moment fort pour la cité. Il rappelle par ses produits typiquement allemand, bières et charcuterie, choucroute, etc. que celle-ci s’appelait au 19ème siècle Nueva Bavaria, fondée par 5 familles allemandes.
C’est cependant sur les hauts de la ville, qu’une colline surplombe de plus de 200 mètres que nous trouvons notre havre de tranquillité et de confort : « Hasta la Pasta » et ses propriétaires René et Marion.
Ceux-ci, passionnés de cuisine, ont développé depuis 13 ans, dans une propriété bien arborisée, un camping, des coquets pavillons à louer et une fabrication de délicieuses pâtes artisanales distribuées dans tout le pays. Un grand poulailler de pondeuse au sol, comme celui de nos grands-mères, fournit les œufs pour les pâtes et pour les résidents. Les grands arbres, abritant de nombreux oiseaux, offrent une ombre bienvenue, et une jolie piscine complète l’équipement idéal. Mais le must reste la cuisine de Marion, que nous avons savouré à deux reprises, et les pâtes de René dont nous avons fait provision.
A notre arrivée nous trouvons Thomas et Marie et leurs 4 enfants, que nous avons déjà rencontrés, avec leur Toy et leur remorque de camping, à Carlos Pellegrini. Le quad, que nous sortons pour la première fois ce voyage, sera le meilleur baby-sitter des enfants.
Deux camions allemands sont également installés : celui de Peter et Angelika, nos voisins pour quelques jours, qui sont sur le retour en Europe
et un MAN, réalisé en auto construction, de manière remarquable, par Wolfgang et Anke. L’ancien aérostier a fait un travail remarquable pour son deuxième véhicule, confortable, soigneusement planifié et exécuté.
Alors que ce véhicule nous quitte en milieu de semaine, sa place est prise dès le lendemain par un grand, magnifique et lourd Unicat à toit télescopique, promené en Amérique du Sud par Alain et Brigitte, un couple français au long parcours gabonais.
L’ambiance est très sympathique tout au long de notre séjour, qui nous permet d’effectuer les travaux logistiques, en particulier la lessive, le service 3'000 de Babar et la réanimation du Quad (batterie morte). Celui-ci nous permet de faire quelques commissions et excursions dans le coin. Naturellement le journal et la préparation du site occupent aussi une partie de la semaine, dont l’état stationnaire, après 3 semaines de déplacements quasi quotidiens, est reposant.
MISE A JOUR 14.10.16
ITINERAIRE EFFECTUE au PARAGUAY
du 27 septembre au 4 octobre 2016
soit au total 1214 km dont 145 km de piste
27 septembre 2016 San Bernardino - Lima
Après les pleins, nous repartons de Altos, au-dessus de San Bernardino et du petit paradis de René et Marion qui est à la limite des deux communes. Nous avons décidé de monter au Nord, en direction de Conception, ville également située sur le fleuve Paraguay. Nous avons renoncé à visiter Ascension et empruntons des routes pavées de pierres naturelles, sur une quarantaine de kilomètres depuis Altos, pour rejoindre la route nationale 3 en direction du Nord.
La route, en bon état, traverse de vastes plaines de pâturages extensifs en obliquant sur le Nord-Ouest. Les grandes estancias présentent des qualités de bétails inégales, certaines avec des bovins suffisamment nourris, d’autres avec des animaux trop maigres, visiblement mal alimentés. C’est un peu le constat que nous avons fait depuis notre entrée dans le pays, l’élevage est généralement mal géré. Quant aux vaches des petits exploitants qui divaguent dans les zones publiques le long des routes et pistes, se sont généralement des cadavres ambulants, des vaches « à un seul côté qui ressemblent à des photographies ». Les exploitations avec du bétail de type européen ont du bétail en meilleur état, tandis que la majorité des troupeaux croisés ou de pure race brahmane, importée des Indes expose leurs côtes au grand air. Reconnaissons que cette race, dont la carcasse est peu flatteuse à l’œil, semble selon certains donner une viande de bonne qualité.
Après une centaine de kilomètres, vers San Estanislao, notre route oblique résolument au Nord, dans des rectilignes impressionnantes.
Après 220 kilomètres nous quittons la grande route pour trouver un endroit calme pour la nuit près du village de Lima distant de 5 kilomètres de la grande artère. Nous manquons d’arracher la ligne électrique d’alimentation d’une petite maison qui pend à 3mètres 20 au-dessus des pavés. Heureusement les cris du propriétaire, qui passe en famille la fin d’après-midi sur sa terrace, comme il est d’usage ici, nous alerte et nous stoppons de justesse… ce qui permet à la ligne de descendre entre les deux antennes de Babar prévues pour qu’elle puisse glisser. Après extraction du fil, l’homme accueillant nous confirme que nous pouvons dormir à proximité.
28-29 septembre 2016 Lima - Conception - Belen
Beau, déjà 27°C à 8 h 15. Beau et chaud (trop) le 29 avec plus de 34°C dans la journée.
Après une nuit calme à proximité de l’école nous démarrons sous une chaleur déjà prononcée. Nous avons sortis du garage une perche lève-câble, réalisée par un allemand, rencontré chez Heinz, qui repartait vers un continent où les gabarits à 4 mètres sont assurés. Le câble franchi dans l’autre sens, nous retraversons le village et stoppons à sa sortie, où nous avons repéré hier une briqueterie artisanale comme il en existe de nombreuses dans ce pays.
Elle est exploitée par 4 ouvriers qui commencent leur journée. Je prends quelques photos de puis la clôture puis la conversation s’engage et je suis invité à pénétrer sur le chantier situé sur une parcelle d’environ 50 mètres par 50 mètres.
Au fond, deux espèces de grands mortiers qui ressemblent à des pressoirs et dans lesquels le mélange de terre est malaxé. Cette pâte est ensuite amenée sur une table où les briques sont façonnées ; environ 5 centimètres d’épaisseur, 10 de largeur et 20 de longueur. Les briques façonnées sont ensuite soigneusement empilées pour sécher. Au bord de la clôture, côté route, se situe de four constitué d’épaisses parois de briques, 40 à 50 cm, pour une hauteur de 2 à 3 mètres.
L’intérieur du four fait environ 4 mètres sur 6 et à la base de chacun des petits côtés sont aménagées 3 ouvertures, en voûte, pour permettre de mettre le feu à la charge de bois au-dessus de laquelle sont empilées les briques à cuire.
La cuisson a lieu une fois par mois, avec une charge de briques, empilées de manières croisées pour assurer le tirage et le passage de la chaleur, qui doit représenter une cinquantaine de m3, soit net (espaces déduit) 25 à 30 m3. Cette production est ensuite vendue et exportée par petits camions vers d’autres bourgades. Les 4 hommes sont heureux d’être pris en photos et retournent bientôt à leur travail de Sisyphe tandis que nous reprenons la route.
Rejoignant matinalement la grande route nous parcourrons une dizaine de kilomètres vers le Nord avant de traverser Santa Rosa del Aguaray une petite ville commerçante à l’activité débordante. C’est là qu’apparaît soudain, stationné sur le côté gauche de la chaussée, un camion Renault français que Sylviane, la coureuse de sites et blogs de voyageurs connaît. « C’est Martine ! » s’exclame la copilote, et nous freinons tout net. Nous faisons connaissance en chair et en os de Martine et Gérard que Sylviane a suivis et contactés virtuellement. Ils ont d’ailleurs un chalet aux Rousses et nous avons manqué de peu de nous rencontrer. Gérard, ancien entrepreneur, a réalisé leur véhicule en auto construction, avec une cellule en acier soudé. Ils reviennent du Pantanal et descendent en direction de Valdez. Nous faisons une visite croisée des véhicules et partageons un jus dans Babar.
Après une huitantaine de kilomètres de rectilignes plein Nord dans de belles régions agricoles exploitées parfois par des Mennonites, nous atteignons Yby Yau et bifurquons au Sud-Ouest en direction de Conception. Nous entrons dans la ville en milieu d’après-midi et la traversons pour aller jusqu’au port.
Les bâtiments plus que centenaires sont nombreux mais malheureusement peu entretenus et de grands bâtiments industriels, en brique, abandonnés jouxtent les immeubles du port autrefois majestueux. Même la partie occupée par l’armée paraît délabrée et les escaliers, autrefois destinés à l’embarquement des passagers, finissent rongés par l’érosion du fleuve.
Nous retournons ensuite au centre-ville pour nous balader dans les rues commerçantes et au marché. Le général Stroessner aimait cette ville et l’avait préservée de tout développement pendant ses trois décennies de dictature. Ainsi l’impression d’une ville sortie des archives des années 1900 est confirmée, sous réserve de la circulation qui est intense. Le mercado central est couvert de tôles et de bâches rafistolées et les rues commerçantes qui l’entourent voient les échoppes envahir les trottoirs. Une animation intense règne en fin d’après-midi et un esprit de vieille ville asiatique transpire de cette belle cité en délabrement.
Avant le coucher de soleil nous rebroussons chemin, en direction de l’Est, sur une vingtaine de kilomètres pour retourner à Belen, bourgade près de laquelle se trouve l’exploitation agro-touristique de Peter, un allemand que nous avons contacté par courriel précédemment. La piste qui conduit à sa ferme a été tourmentée par les véhicules roulant sous les dernières pluies. Babar fait bravement front jusqu’à l’arrivée, à la tombée de la nuit, à l’entrée du domaine marquée par… un petit pont de bois qui enjambe un fossé inondé.
Malgré la réfection récente de l’ouvrage nous renonçons à le franchir et parquons notre véhicule sur le bord de la piste heureusement assez large. Nous partons ensuite à pied pour parcourir dans l’obscurité, bercé par le chant intense des batraciens, les 300 mètres de chemin qui conduisent aux bâtiments de Peter. Nous faisons connaissance autour d’une bière. Nous décidons de rester le lendemain pour découvrir la Granja El Roble, le domaine de Peter installé ici depuis le début des années 90.
« Ainsi commença la Garenne » pourrait être l’intitulé du descriptif de El Roble. Peter, originaire d’Allemagne de l’Est s’est installé ici il y a plus de 20 ans, et a fondé une famille de trois enfants avec son épouse paraguayenne. Amoureux de la nature et des animaux il a développé sa petite exploitation agricole avec bovins, cochons, poules et surtout réalisé de grands bassins de pisciculture qui lui permettent de produire du tilapia, du pacù, du surubi et d’autres poissons de consommation.
En parallèle il a recueilli des animaux sauvages domestiqués dont les gens veulent se débarrasser, comme l’a fait Erwin Meyer à la Garenne.
Il a construit des cages en bois et treillis, mis en place de nombreux aquariums et viviers et complété ces infrastructures par de nombreux jeux pour les enfants. Cabanes dans les arbres, balançoires, tyrolienne, etc. complètent cette offre de jeux noyée dans la verdure. Une piscine d’une centaine de m2, aux formes douces, à laquelle sont adjoints deux bassins plus petits pour les enfants, reliés par des toboggans, est l’attraction qui permet aux familles de mieux supporter les fortes chaleurs.
Des tables et bancs de bois sont dispersés sous les grands arbres ou sous des abris au toit de chaume, bref tout est réuni pour passer d’agréables moments.
Un tapir, « qui est le sixième membre de la famille », dispose d’un vaste enclos avec bourbier et coule des jours heureux ponctués de longues siestes.
Un vieux perroquet, qui a été condamné dans une vie antérieure à vivre sur un perchoir, ne peut plus voler ni marcher sur le sol et est nourri avec affection sur sa barre et déposé de bref moments à terre dans un vain espoir de réhabilitation.
Peter et une cuisinière préparent d’excellents repas qui sont servis sous les arbres ou dans une petite salle légèrement climatisée. Ils offrent également un hébergement dans trois ou quatre petits pavillons répartis sur le site.
Nous passons une belle et chaude journée dans cet environnement naturel et accueillant, bénéficiant du wifi, et dégustons un excellent repas de pacù pour midi.
Lorsque je complimente Peter en lui disant qu’il a construit un petit coin de paradis pour ses hôtes, il me répond que pour lui c’est peut-être un enfer puisqu’il est tous les jours à l’ouvrage et qu’il gère son entreprise avec un seul collaborateur permanent en plus de la cuisinière. Nous gardons un excellent souvenir de El Roble et de son patron passionné et convivial.
30 septembre 2016 Belen - Loma Plata
Légèrement couvert, 25°C à 9 heures du matin, 38°C l’après-midi.
Nous quittons Belen pour Constitution, en vue de traverser le fleuve Paraguay pour découvrir la grande région du Chaco, qui représente plus du tiers de la surface du pays.
Nous franchissons le grand pont, de plus de deux kilomètres de longueur, qui nous élève à une quarantaine de mètre au-dessus du fleuve pour passer sur la rive Ouest de celui-ci.
Cette artère est vitale, car elle permet aux producteurs de bétail d’amener leurs bêtes vers les grands abattoirs et entrepôts frigorifiques de Constitution. Les trains routiers qui acheminent le bétail sont impressionnants puisqu’ils atteignent une longueur officiel de 28 mètres, soit 10 de plus qu’autorisé chez nous !
Ce pont est aussi essentiel pour les autres utilisateurs puisque sur la hauteur du pays au long du fleuve, plus de 400 kilomètres, il n’y a que deux ponts pour franchir cet obstacle naturel.
La zone qui borde le fleuve est assez marécageuse sur une vingtaine de kilomètres puis nous traversons de vastes plaines de pâturages boisés qui caractérisent cette zone d’élevage bovin. Les troupeaux sont par contre de belle qualité et contrastent avec ce que nous avons vu dans le Sud du pays. La route est généralement de belle qualité avec des tronçons de 1 ou deux kilomètres complètement désagrégés, généralement en traversée de zone de « localité ».
Ce sont plutôt des secteurs d’habitats dispersés au long de la chaussée. Elles sont constituées de petites maisons ou baraques en bois qui reflètent la pauvreté de leurs occupants, vraisemblablement des employés des grandes estancias ou de petits exploitants. Le Paraguay connaît des problèmes d’exode de la population rurale chassée des terres précédemment exploitées par la vente de celles-ci à de grands investisseurs, venus souvent du Brésil.
Après 150 kilomètres nous rejoignons la route nationale 9 « Transchaco » qui relie Ascuncion à la frontière bolivienne.
La chaussée est d’excellente qualité et 150 kilomètres supplémentaires nous amène dans la région centrale du Chaco, occupée par les principales colonies mennonites du pays.
1-2 octobre 2016 Loma Plata - Filadelfia
Nous sommes désormais en plein pays mennonite. Que signifie ce mot et quelle est l’histoire de cette communauté regroupée aujourd’hui à l’échelle planétaire dans la Conférence Mondiale Mennonite qui représente plus de 1,6 millions de croyants.
Au début du 16ème siècle, parallèlement ou inspirés par les travaux de Martin Luther, le père de la réforme, d’autres théologiens recentrèrent leur travaux et prédications directement sur la Bible. C’est en particulier à Zürich que des théologiens du cercle d’Ulrich Zwingli, comme Konrad Grebel et Felix Mantz, développèrent des interprétations radicales du nouveau testament, en particulier prônant le baptême des seuls adultes conscient de ce choix librement consenti de suivre le Christ. Ils défendaient aussi une stricte séparation de l’Eglise et des Autorités politiques. Après de nombreux débats, la vision de Zwingli s’imposa et les autorités zurichoises interdirent les réunions des « Baptisés ». Ce fut pour eux le début d’une grande persécution qui s’étendit bientôt dans la majorité des pays européens. La plupart des 60 théologiens qui posèrent, dans un synode en 1527, les bases du mouvement, moururent en martyr dans les années qui suivirent. Ils furent torturés, noyés, décapités ou brûlés, souvent avec l’aval de réformateurs. Ces bases comprennent les points fondamentaux suivants : baptême d’adultes conscient de cet engagement ; bannissement de la communauté de celui qui ne vit pas selon les règles chrétiennes ; retrait de la vie du monde laïque ; refus de participer à toute activité violente et en particulier au service militaire.
En 1530 la première communauté des « baptisés » fut fondée aux Pays-Bas et le mouvement connut une extension rapide engendrant de nombreuses persécutions. Le théologien Menno Simons, qui donna son nom au mouvement, se fit baptiser en 1536 prêchant inlassablement, il prit la responsabilité de communautés qui se formait dans le pays. Face aux persécutions, une partie des « baptisés » s’enfuit vers la Frise de l’Est où ils furent accueillis avec bienveillance par la comtesse Anna von Oldenburg qui utilisa pour la première fois, dans un édit de 1544, le nom de mennonites pour les désigner. D’autres émigrèrent en Prusse, dans la région de Danzig où ils asséchèrent de grandes superficies du delta de la Weischel. C’est là qu’une vingtaine de communautés furent fondées avec la bénédiction et les privilèges, compensés par de lourdes taxes, accordés par la famille régnante. Le développement des communautés et leur succès économique amena le gouvernement prussien à adopter deux siècles plus tard, en 1789, un édit interdisant aux mennonites d’acheter de nouvelles terres. C’est à ce moment que débuta un nouveau mouvement de migration vers la Crimée, où l’impératrice Catherine de Russie se réjouissait de voir arriver des agriculteurs compétents sur les terres récemment reprises aux Turcs. Le bassin de la Volga fut un autre but de migration des mennonites vers le milieu du 19ème siècle. En 1914 il y avait plus de 400 villages mennonites en Russie. La révolution, puis la deuxième guerre mondiale, allaient remettre sur les routes et les mers du globe ces croyants aux règles incompatibles avec les lois du monde.
Loma Plata, 15'000 habitants, est le coeur de la colonie Menno, la première colonie mennonite implantée au Paraguay en 1927. Ces pionniers qui débarquaient au cœur du semi-désertique Chaco, occupé par les seuls indiens, provenaient du Canada, où après un demi-siècle d’installation ils avaient développé une activité agricole prospère. Ce pays ayant cependant décidé, après la première guerre mondiale, de contraindre les enfants mennonites à la scolarisation publique et en anglais, et exigeant qu’on inculque de forte valeur patriotiques, une partie de la communauté, craignant que leurs enfants ne perdent la foi, décida d’émigrer. Dès 1920, aidés par le général et homme d’affaire américain Samuel McRoberts, ils se mirent à la recherche de nouvelles terres fertiles leur permettant de poursuivre leur vie religieuse et économique. Le Paraguay se déclara intéressé à recevoir ces excellents cultivateurs et leurs offrit des avantages et garanties concernant leur liberté religieuse et une aide économique. Après plusieurs délégations de reconnaissance, le premier groupe de 309 migrants s’embarqua, le 24 novembre 1926 en train jusqu’à New York, puis en bateau jusqu’à Buenos Aires. De là c’est un navire fluvial qui les conduisit jusqu’à Ascuncion où ils furent accueillis par le Président du Paraguay le 29 décembre. La remontée du fleuve se poursuivit jusqu’à Puerto Casado qu’ils atteignirent le 31 décembre. Là les difficultés s’enchaînèrent : épidémie de typhus, voie de chemin de fer qui devait atteindre les implantations prévues réalisée sur 77 km au lieu des 200 prévus, divergences entre les trois communautés de provenance des colons, etc.
Ils vécurent dans des camps provisoires et dans une grande pauvreté et ne purent obtenir leurs terres qu’au printemps 1928, soit un peu plus de 50’000 hectares, répartis en lots de 60 à 80 hectares par famille, de nombreux nouveaux immigrants étant arrivés entre temps. Travailleurs inlassables et bons agriculteurs et éleveurs les mennonites de Loma Plata développèrent leurs activités économiques de manière dynamique. Ils constituèrent en 1936 une administration dénommée « Chortitzer Komitee » qui évoque le nom de leur première colonie en Russie, fondée à Chortitza en 1788. Ce comité est en charge d’une association civile qui gère la scolarité, la mission, les institutions sanitaires et celle de prévoyance, et de la Cooperativa Chortitzer Limitada qui gère la mise en valeur des productions agricoles. Cette coopérative représente par exemple le tiers de l’économie laitière nationale. La colonie Menno regroupe aujourd’hui plus de 12'000 membres regroupés dans 16 communautés locales.
Filadelfia, est une ville qui compte environ 15'000 habitants, dont un tiers de mennonites. La colonie Fernheim (patrie lointaine) a été fondée en 1930 par des mennonites fuyant les persécutions de la révolution russe. Sur les 13'000 mennonites contraints de quitter le pays seuls 5'700 purent fuir par la frontière lithuanienne suite à l’intervention de l’ambassadeur d’Allemagne. De nombreux autres furent déportés en Sibérie où ils moururent. Après avoir séjourné en Allemagne, les 300 premiers d’entre eux arrivèrent dans le Chaco en avril 1930 et fondèrent Fernheim, qu’ils appelèrent plus tard Filadelfia, une vingtaine de kilomètres à l’Ouest de Loma Plata. Ils furent rejoints, en mai 1932, par 300 coreligionnaires au parcours difficile. Ceux-ci avaient fui la Russie et ses persécutions par l’Est, traversant la Sibérie et franchissant le fleuve Amour pour s’embarquer pour l’Europe depuis la Chine.
La terrible guerre du Chaco, qui opposa le Paraguay à la Bolivie entre 1932 et 1935, pour le contrôle de la région, fut une véritable bénédiction pour ces non-violents excentrés à l’Ouest du pays. Ils devinrent les ravitailleurs de l’armée paraguayenne et leurs écoles furent les hôpitaux accueillant les blessés de la guerre. Ce fut le départ de leurs activités commerciales qui rayonnèrent bientôt dans tout le pays. D’autres mennonites, 2'600, rejoignirent le Paraguay en février 1947. Dernier survivants des anciennes colonies de Russie, ils avaient fui le pays dans le sillage de la débâcle allemande de 1943 et furent regroupés sous l’action du Congrès Mennonite Mondial.
Le samedi 1er, nous parcourons les 20 kilomètres de piste qui séparent Loma Plata de Filadelfia, ce qui nous donne l’occasion d’approcher les samu’u ou arbres bouteille.
Ces derniers ont le tronc de bois tendre rempli d’eau et couvert d’épine.
Leurs fleurs forment d’abord une de fève comme un gros cornichon qui éclate à maturité laissant apparaître un duvet style barbe-à-papa qui permet aux oiseaux de réaliser des nids au confort luxueux.
Arrivé à Filadelfia, nous nous parquons à côté de l’office du tourisme de cette ville qui jouxte le musée Jacob Unger. Celui-ci, né en Russie et passionné de nature, a été le premier enseignant de la colonie. Nous sommes très agréablement accueillis par la responsable qui m’invite à visiter le musée qui fermera une heure plus tard pour le week-end. Tandis que Sylviane part aux commissions, je visite le musée installé dans des pavillons à patio périphérique qui furent le siège administratif de la colonie à ses débuts. Les expositions et collections sont remarquables, répartie dans différentes salles thématiques. L’une est consacrée aux objets des indiens et aux premières relations des colons mennonites avec ceux-ci.
Une autre présente les nombreux oiseaux, dont le vautour royal,
et animaux spécifiques à la région, dont un superbe fourmilier portant son petit sur le dos, soigneusement naturalisés et étiquetés.
Une troisième est consacrée aux arbres du Chaco et décrit leurs caractéristiques et utilisations en présentant des bûches sectionnées obliquement et poncées qui montrent l’aspect et la structure du bois.
C’est ainsi que nous apprenons que le bel arbre jaune, qui illumine parfois les plaines boisée du Chaco est le Paratodo.
Lorsque nous demandons si il y a un camping, la responsable du musée nous propose de mettre Babar dans le grand parc, bien entretenu, qui est à l’arrière des bâtiments et qui dispose de prises électriques et de sanitaires. Nous acceptons volontiers cette offre et nous installons.
Le dimanche je me rends à 9 heures dans la plus grande église de la communauté (il y en a plusieurs dans la localité), pour participer au culte. L’édifice est vaste et l’assemblée nombreuse compte 250 à 300 personnes dont un cœur avec une vingtaine d’enfants de 5 à 8 ans. Les enfants participent aux 20 premières minutes de la célébration puis vont dans une autre salle pour un office adapté. La célébration est menée par un pasteur et un prédicateur qui développe une interprétation du sens prophétique des lettres de Paul aux communautés de la région d’Ephèse. Des projecteurs numériques avec deux grands écrans permettent d’illustrer le thème par quelques images. Nous chantons dans un épais psautier qui comprend plus de 600 chants en allemand dont certains ont des strophes traduites en espagnol… C’est peut-être là qu’une interrogation subsiste : bien que la communauté soit fortement engagée dans une action missionnaire, en particulier auprès des indiens, moins d’une dizaine de participants ont cette origine. Je n’ai pas pu approfondir ce délicat débat dans les quelques échanges que j’ai eu avec un membre accueillant de l’assemblée.
Le reste du dimanche est consacré à la lecture dans le magnifique parc. En soirée de gros orages éclatent et la pluie, sans doute précieuse pour la région, durera toute la nuit et une partie de la matinée du lundi.
3 octobre 2016 Filadelfia - Mariscal Estigarribia
Couvert et pluie le matin puis couvert sans pluie. 20°C
Nous quittons Filadelfia vers 10 h 45 pour retourner sur la route Transchaco en direction de la Bolivie. Notre intention est de nous rendre dans le petit bourg de Rosaleda, à une quarantaine de kilomètres de Mariscal Estigarribia. Rosaleda est constitué d’une vingtaine d’habitants d’origine suisse alémanique, qui sont sympathique et accueillants selon les nomades helvètes précédemment rencontrés.
Le route est bonne et il y a peu de circulation, quelques spectateurs des épreuves spéciales du rallye du week-end rentrent avec leurs pick-up 4x4 bien sales. Arrivés à l’entrée de Mariscal nous nous engageons sur la piste pour constater quelques centaines de mètres après les dernières maisons qu’elle est une véritable savonnière, Babar dansant de l’arrière train malgré l’enclenchement du 4x4.
Nous ne pouvons continuer sans risquer de partir dans l’un des fossés bien profilés et inondé qui bordent la voie convexe. Celle-ci n’est cependant pas assez large pour faire un « tourner sur boue » et nous devons poursuivre un petit kilomètre avant de trouver sur la droite une entrée dans le bois situé un demi-mètre en contrebas. J’y engage prudemment Babar lorsque, soudain, la roue arrière gauche s’enfonce une quarantaine de centimètres, à la hauteur du fossé, dans le sol de l’entrée.
Babar tangue, s’immobilise, et l’enclenchement des blocages de différentiel ne parvient pas à le remettre en mouvement. Nos souliers plongent dans la boue et, le temps d’évaluer la situation, nous gagnons des semelles compensées et pesantes.
Premier constat : le mécanicien d’assistance s’est trompé ce matin et a monté les pneus lisse de formule 1 !
Plus sérieusement, il y a un arbre à une trentaine de mètres en avant qui pourrait permettre d’amarrer le câble du treuil pour sortir du trou, mais une fois le demi-tour effectué à une cinquantaine de mètres en avant il faudra remonter sur la piste et là pas de point d’ancrage. Mieux vaut donc essayer de s’en sortir sans treuil et de trouver quelque chose à donner à mordre à nos roues. Les travaux de débroussaillage commence et nous scions des branches, arrachons des sortes de lianes parasite sur les arbustes, et après deux heures d’effort Babar sort de son trou et je peux délicatement parcourir le 50 mètres pour faire demi-tour.
Reste la remontée, d’une cinquantaine de centimètres, sur la piste, sans oser prendre trop d’élan pour ne pas piquer du nez dans le fossé opposé. Nous préparons à nouveau une voie branchue et je m’élance avec précaution, légèrement en oblique pour préparer la reprise de l’axe de la piste. Cela semble passer, mais lorsque les roues avants atteignent presque le milieu de la chaussée le train arrière fait, malgré les branches, une ripée monumentale pour se planter dans le mou.
Quelques branches plus tard nous réussissons une petite marche arrière avant de planter à nouveau, cette fois du postérieur droite. Extraction branchue de ce nouveau trou pour se stabiliser à peu près à plat. Il est trois heures de l’après-midi, nous n’avons pas encore mangé et un petit coup de fatigue se fait sentir… La sagesse vient de la bouche de Sylviane qui propose d’attendre le lendemain en espérant un assèchement partiel du terrain. Nous avons toujours une dizaine de jours de provisions et pouvons » voir venir ». La proposition est donc acceptée à l’unanimité et l’avancement de l’écriture du journal va en bénéficier.
4 octobre 2016 Mariscal Estigarribia - Fortin Infante Rivarola
La nuit a été calme et bonne grâce à une fatigue physique bien acquise. Pendant le déjeuner nous songeons à l’opération chaînes qui s’annonce. A la descente du camion nous constatons un changement de la surface de la boue qui semble s’être ressuyée malgré l’absence de soleil. Nous décidons d’effectuer une nouvelle tentative avant de mettre les chaînes. Une moquette branchue est à nouveau préparée devant les roues du pachyderme. Après avoir pu reculer deux mètres, jusqu’à un des trous de la veille, pour prendre un peur d’élan et être à 90° de la piste, nous nous élançons et… ça passe. Ainsi en un quart d’heure nous sommes sur la piste et pouvons regagner le village et la route.
Nous effectuons le plein à la station-service, constatons qu’il n’y a pas d’emplacement pour débarbouiller Babar, changeons nos habits boueux, et partons au bureau de la douane où il faut, selon notre guide, faire les formalités de sortie du pays. L’information est dépassée et le douanier, après avoir indiqué que ces formalités se font à la frontière, nous souhaite une excellente route…
Sur les quinze premiers kilomètres un excellent tapis nous permet de nous régaler. Puis des panneaux orange nous indiquent une chaussée en mauvais état et les premiers trous et cassures du revêtement ramène rapidement notre vitesse à 20 km/h.
Les baignoires pleines d’eau boueuse, qui suivent, divisent encore cette vitesse par deux et nous progressons bientôt entre jacuzzi et vastes marigots ayant parfois plus de 30 centimètres de profondeur. De temps en temps quelques dizaines de mètres de tapis survivant offrent une courte pause entre les spasmes qui agitent Babar. Nous voyons bientôt, à quelques centaines de mètres, des machines de chantiers et des camions qui bloquent la piste, et profitons d’une île asphaltée pour nous arrêter et… remettre nos vêtements boueux de la veille. Je pars ensuite en reconnaissance pédestre pour constater que deux lames niveleuse essaient d’améliorer la piste pour permettre le passage de deux camions citernes qui roulent en sens inverse au nôtre. L’une d’elle a stoppé pour remorquer un gros pick-up 4x4 embourbé dans une piscine routière. Le travail des lames est spectaculaire, essayant d’égaliser ce qui est inégalisable, elles arrachent parfois des soldes de tapis bitumineux et foncent dans les côtés de la « chaussée » pour aménager des déversoirs de purge des marigots.
Notre progression va se poursuivre dans ces conditions sur une centaine de kilomètres, offrant parfois quelques kilomètres de chaussée praticable insérés entre les kilomètres de bourbier tumultueux. Situation saugrenue, une vingtaine de kilomètres d’une chaussée parfaitement praticable sont fermés, dans l’attente d’un nouveau revêtement, ce que démontre le seul ouvrier aperçu somnolant sur une goudronneuse au début de la déviation. Celle-ci consiste simplement en une voie parallèle, taillée en contrebas de la route, piste que les pluies récentes ont transformée en pointillé de marigots. Inutile de dire que les usagers essaient à chaque occasion de remonter sur la chaussée en travaux virtuels.
Nous retrouvons finalement une route qui mérite son nom peu avant le bourg de La Patria et stoppons pour le casse-croûte.
C’est l’occasion d’identifier ces gros insectes bleus et bruns qui frôlent parfois notre pare-brise depuis le matin. Ce sont des grosses sauterelles, vraisemblablement des criquets.
A la Patria nous complétons notre plein de diesel puis dégustons une excellent chaussée sur 100 kilomètres avant d’atteindre au crépuscule, le poste de contrôle militaire de Infante Rivarola. Nous sommes à 6 kilomètres de la frontière et les soldats, après avoir consulté leur chef par radio, acceptent volontiers que nous dormions à proximité.
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