MISE A JOUR 29.08.18
KIRGHIZSTAN
du 26 juillet au 10 août 2018
parcouru 1123 km dont 522km de piste
26 juillet 2018 Lac Song Kul - Rive Ouest du lac
Départ vers 9 h 20 pour découvrir la rive Ouest du lac Song Kul, celle où les montagnes arrivent au bord du lac à contrario des autres rives qui sont plates…
Nous parcourrons d’abord une vingtaine de kilomètres plats, parsemés des yourtes des éleveurs, avant de rejoindre le pied de la chaîne de montagne Song Kul Too qui borde le lac au Nord-Ouest.
Cette chaîne culmine cinq à six cents mètres au-dessus du lac qui est à 3'000 mètres d’altitude. Nous attaquons ensuite les premiers vallonnements qui marquent l’arrivée des membrures des montagnes sur les rives. La piste devient plus irrégulière avec des rampes qui la font ressembler à des montagnes… russes.
Babar crapahute gaillardement dans ces fortes déclivités. Dans chaque vallon on découvre un ou plusieurs camps de yourtes et au sommet de chaque colline de belles vues sur le lac.
La piste devient peu à peu plus tourmentée et les séquelles des jours de pluie tracent des cicatrices tumultueuses qui démontrent que chacun a déployé des efforts pour trouver son chemin.
Nous roulons parfois sur la grève de gros gravier qui orne le rivage des baies. L’eau du lac est d’une limpidité remarquable. La piste devient plus caillouteuse sur les arêtes qui surplombent le lac et il faut être concentré pour éviter des cicatrices aux pneus de Babar. La vitesse de progression est donc réduite et lorsque nous nous arrêtons après 2 heures et demi de trajet nous n’avons parcouru que 25 kilomètres mais dans des panoramas superbes et avec de nombreux arrêt photo malgré le ciel gris.
Nous stoppons sur un promontoire rocheux qui domine le lac d’une soixantaine de mètres et offre des vues nous invitant à rester jusqu’au lendemain.
En cours d’après-midi, alors que le ciel se dégage peu à peu, nous assistons à la transhumance de plusieurs troupeaux conduits par des cavaliers adroits.
Au risque de passer pour un « ovinophile », je constate qu’il faut quatre cavaliers aidés d’un chien pour conduire un troupeau d’une centaine de bovins tandis qu’un seul suffit, avec un chien, à conduire plus de 200 moutons.
Un aigle en chasse survol notre site à plusieurs reprises mais les prises de vues sont difficiles car le rapace garde ses distances. En fin d’après-midi c’est un chassé-croisé entre soleil et nuages qui anime le somptueux paysage.
La nuit est difficile pour Sylviane qui a des vomissements répétés et spastiques…
27 juillet 2018 Rive Ouest Song Kul - base Moldo Ashuu
Après la nuit agitée de Sylviane, nous décidons de rester pour profiter de l’endroit exceptionnel mieux éclairé que la veille en ce début de matinée. L’ensemble des montagnes qui entourent la plaine du Song Kul sont visible et forme un superbe écrin au lac d’une quinzaine de kilomètres de diamètre.
Tandis que Sylviane se remet des émotions de la nuit, je pars faire une balade aux abords de notre nid d’aigle pour y découvrir faune et flore. Des fleurs magnifiques ornent les flancs de la montagne et encerclent les cailloux pour gagner une place au soleil. Les oiseaux et insectes jouissent de ce milieu naturel entretenu par la pâture des animaux.
Les edelweiss sont aussi présentes, mais dans une variété avec moins de pétales qu’en Suisse déjà découverte en Mongolie en 2008. Les camps de yourtes, éparpillés autour du lac, ressemblent de loin à des bouquets de « pets de loup » sous le soleil. J’aperçois bientôt des marmottes et peut approcher l’une d’entre elles, aux aguets au bord de son trou, à une vingtaine de mètres.
L’aigle aperçu la veille survol à nouveau majestueusement son domaine.
Après le repas c’est moi qui commence à être un peu moins bien et nous attribuons ces difficultés digestives à un émincé à base de poulet congelé qui a dû se libérer de la chaîne du froid. Le ciel se couvre également faisant planer un risque d’orage. Finalement comme nous devons traverser une vaste plaine, potentiellement humide, qui borde la rive Ouest du lac, nous nous remettons en route vers 15 heures pour éviter de rester bloqué ou malade dans cet endroit magnifique mais isolé. Après les derniers replis rocheux nous atteignons la plaine alors que les premières averses coiffent les montagnes une dizaine de kilomètres en retrait.
La traversée de cette vaste pelouse se fait en suivant des traces peu marquées qui témoignent du nombre restreint d’utilisateurs, en l’occurrence les éleveurs voisins et de rares touristes motorisés. Les trois lits de rivières que nous traversons demeurent sec et leur franchissement se limite à quelques secousses.
Sur les dix derniers kilomètres de traversée de ce vaste delta nous trouvons une bonne piste graveleuse construite en digue.
Malheureusement la plupart de passages d’eau, construits avec de gros tuyaux en béton d’un mètre de diamètre, ont été submergé lors de crues et sont impraticables.
Il faut quitter la piste et redescendre dans la pelouse pour éviter ces obstacles. Sortis de la plaine nous entamons, sur une piste graveleuse, l’ascension du col Moldo Ashuu qui culmine à 3'346 mètres et permet de quitter le Song Kul en direction du Sud.
A son sommet nous découvrons les bords du couvercle de nuages gris qui coiffent le bassin du lac. Au-delà de ces bords, la vue plongeante sur les montagnes qui bordent la plaine de la rivière Narin est impressionnante.
Celle sur les lacets de la descente du col ne l’est pas moins mais nous découvrons avec ravissement des pentes boisées de conifères.
La route, retaillée récemment, est marquée de nombreuses chutes de pierres et ses lacets se superposent de manière vertigineuse.
Nous stoppons vers 19 heures dans une prairie à l’écart de la piste et des chutes de pierres. Le chauffeur n’a pas la grande forme comme s’il avait mangé un ballon du Mundial…
28 - 30 juillet 2018 base Moldo Ashuu - Naryn
Beau 20 °C quelques nuages, grand beau les 29 et 30 et le thermomètre atteint les 30°C.
Ce n’est qu’en début d’après-midi que nous quittons notre pairie, le temps que le cornac ai digéré son ballon de foot sans explosion gastrique.
Nous quittons les derniers contreforts de la chaîne des Booralbas Kirka Too, que nous avons franchi la veille, par une vingtaine de kilomètres de bonne piste.
Nous retrouvons le fond de la plaine de la rivière Narin et franchissons celle-ci par un pont récent en béton précédé d’un panneau de limitation à 5 tonnes certainement désuet… en tous cas nos 14 tonnes passent sans problème.
Nous rejoignons le goudron de cette vaste plaine agricole bien irriguée jalonnée de villages qui paraissent assez opulents. D’imposantes meules de fourrage montrent l’existence de domaines avec de grands troupeaux et les champs de céréales promettent de belles récoltes.
Le fond de la plaine et les montagnes qui l’entourent sont cependant de nature sablonneuse et le moindre cours d’eau peut creuser des gorges de plusieurs mètres ou dizaine de mètres de profondeur.
Nous atteignons la ville de Naryn en fin d’après-midi et nous installons sur le parking assez exigu de l’hôtel des Monts Célestes, les Tian Shan qui surplombent la localité.
La ville de 35'000 habitants est la capitale de la province du même nom. Elle accueille un campus, inauguré en 2016, de l’Université d’Asie centrale, fondée par l’Agha Khan, chef religieux des musulmans chiites ismaéliens.
Un deuxième campus a été ouvert à Khorog, au Tadjikistan en 2017. La fondation Agha Khan vise, entre autres à développer socialement et économiquement les régions d’Asie centrale où résident de nombreux ismaéliens, parmi les 25 millions de fidèles de cette branche ouverte et tolérante de l’islam.
Les Monts où nous stationnons ont perdu beaucoup de leur aspect céleste mais nous pouvons y faire la lessive et bénéficier d’un stationnement électrifié dans un endroit tranquille. Nous y restons les 29 et 30 pour écrire le journal et assumer nos tâches logistiques.
Une ou deux balades en ville nous permettent de découvrir un monument aux soldats tombés dans la guerre 1979-1989, la première guerre d’occupation soviétique de l’Afghanistan, ainsi que de nombreux bâtiments de l’époque communiste.
31 juillet 2018 Naryn - Tash Rabat
Après contrôle du serrage des roues et plein de diesel nous quittons Naryn vers 11 heures. C’est un col asphalté mais pentu qu’il faut franchir pour partir en direction du Sud.
Nous quittons ensuite le goudron pour nous engager sur une piste qui nous permet de rejoindre la belle région irriguée de la rivière At-Bashi, dominée au sud par de montagnes qui dépassent les 4'500 mètres.
Dans le fond de vallée, situé à 2'000 mètres, les récoltes battent leur plein sous un soleil favorable. D’innombrables petites bottes de foin sont éparpillées en attendant leur chargement. Les botteleuses tournent à plein régime et le fourrage est entassé dans les villages à proximité, ou parfois sur le toit, des couverts qui abritent le bétail en hiver.
A proximité de la localité d’At-Bashi est établi un barrage du même nom dans une gorge qui s’écoule en direction du Nord et de la vallée de Naryn. Un programme de réhabilitation des installations hydroélectriques financé à hauteur de 23 millions par la coopération suisse au développement a débuté en 2016. La puissance de l’installation qui alimente la ville de Naryn a été portée à 44 MW en augmentation de 10% et les travaux continuent jusqu’en 2020. La Direction du Développement et de la Coopération (DDC) de notre pays s’engage entre autres également dans des projets d’assainissement de la distribution de l’eau dans les villes, de réforme de la formation médicale et de renforcement de la démocratie puisque le Kirghizstan est la seule démocratie de la région qui vient de mener, avec succès, au printemps 2018 des élections nationales.
Nous quittons ensuite la route principale pour visiter un vestige de la route de la Soie, le caravansérail de Tash Rabat. Nous nous engageons dans un vallon qui pénètre plein Sud dans la chaîne de montagne.
La couleur plus ou moins verte des herbages indique des précipitations favorables mais les flancs des montagnes sont mités par les trous des marmottes qui abondent.
Après deux ou trois kilomètres des chaînes de rochers aux dents arrondies rappellent les représentations des anciennes peintures chinoises… nous sommes vraiment dans l’une des chaînes des Tian Shan, ces montagnes célestes qui marquaient la fin du monde chinois.
Après une quinzaine de kilomètres de bonne piste en compagnie des marmottes, nous arrivons au monument, qui est bordé d’un camp de yourtes pour touristes, juste avant le coucher de soleil.
Nous nous installons à l’extrémité du parking opposée à l’accès au caravansérail de manière à ne pas gêner d’éventuels photographes. Je fais quelques clichés tandis que les dernières voitures quittent le parking, on ne sait jamais demain sera peut-être marqué par la pluie et le brouillard…
Tandis que la nuit s’approche nous savourons une excellente fondue Gerber.
1er août 2018 Tash Rabat - Börülu Ashuu
Le Tash Rabat a été construit en pierre entre le 9ème et le 10ème siècle. Il est semi-enterré dans la pente douce d’un vallon qui s’ouvre au-dessus de lui à 3'200 mètres d’altitude.
Il a été dégagé par des archéologues dans les années 1980. L’édifice solidement construit est un carré de 35 mètres de côté aux murs épais coiffés de voutes et d’une vingtaine de petits dômes, qui sont autant d’aérations. Un grand dôme central coiffe la pièce principale de 9 mètres de côté dont la coupole culmine à une quinzaine de mètres de hauteur.
Autour de celle-ci, et de son couloir d’entrée voûté, s’ouvre des accès à une vingtaine de pièces de grandeur variables et parfois divisées en plusieurs alcôves.
Le bâtiment a été primitivement un monastère nestorien, doctrine chrétienne, décrétée par la suite hérétique, diffusée dès le 5ème siècle depuis Constantinople par les marchands allant vers l’Asie centrale.
Dès le 15ème siècle le bâtiment a reçu sa structure actuelle et est devenu un caravansérail sur la piste qui reliait Kashgar, situé 200 kilomètres plus au Sud, et le Nord du Kirghizstan précédent les plaines d’Asie centrale. La visite de ce témoin particulièrement bien préservé nous laisse imaginer la joie des caravaniers qui après avoir franchi le col du Torugart, à plus de 3'700 mètres, pouvait trouver ici abri et repos dans des locaux austères mais préservant hommes et bêtes des intempéries. Après la visite nous quittons le Tash Rabat, qui signifie demeure de pierre, vers 10 heures.
Nous rejoignons la route principale, qui décrit un large cercle à l’Ouest du Tash Rabat et du lac Chatyr Kul avant de plonger sur Kashgar.
Après 5 kilomètre nous la quittons pour prendre une piste qui part au nord-ouest pour franchir une autre chaîne de montagne en direction de Baetov et de la vallée centrale de la rivière Narin. La piste, étroite mais bonne gravit d’abord la pente douce du flanc des montagnes avant de franchir de vastes lits de rivières asséchée que nous sommes contents de franchir par beau temps.
Les pentes verdissent et s’accentuent offrant de belles pâtures, au pied de montagne sablonneuses, à des moutons et chevaux superbes.
Après avoir franchi un premier petit col, nous redescendons dans une vallée occupée par des camps de yourtes et leurs troupeaux tandis que des sommets enneigés apparaissent au loin.
Après avoir franchi quelques petits gués peu irrigués nous atteignons le lieu-dit Orto-Sirt par le franchissement d’un large lit de rivière peu alimenté.
Quelques bâtiments, dont une partie semble abandonnés, marque la rive tandis que la piste s’élève à nouveau dans la montagne en direction du nord-est pour contourner des gorges qui doivent être infranchissables.
La piste devient ensuite très sinueuse pour s’élever dans les pentes vertes parcourues par les troupeaux.
La piste redescend ensuite de quelques centaines de mètres dans un milieu érodé avant de repartir à l’assaut du col Bögülu Ashuu, à 3'262 mètres, où nous croisons un groupe de cycliste européens parmi lesquels se trouve un jurassien. Nous descendons deux kilomètres du côté de la vallée de la rivière Narin avant de stopper, après quelques gouttes de pluie, sur un promontoire qui borde des gorges et offre une vue extraordinaire.
L’après-midi est consacrée à une belle balade sur ces pentes vertes et à l’admiration du panorama marqué, lorsqu’il se découvre, par le plus haut sommet de la chaîne Jaman-Too, à 4'737 mètres. Nous avons trouvé la Dent de Jaman du kirghizstan ! En fin de journée nous sommes rejoints par deux jeunes cyclistes espagnols, Sara et Ivan, spécialistes des avalanches dans les Pyrénées et fondus de sport qui plantent leur tente à proximité. Nous partageons le repas du soir avec eux.
2 août 2018 Börülu Ashuu - Oy-Kaymg Ashuu
C’est après 9 heures que nous dévalons les lacets au-dessus desquels nous avons dormi. La nuit a nettoyé les sommets de leurs nuages et la netteté des paysages est enivrante. Les montagnes sablonneuses et les canyons érodés qui balafrent la plaine sont d’autant plus beaux.
La piste, caillouteuse mais assez bonne, marque la pente abrupte de son encaissement et nous rapproche du vert léger des pairies basses. Nous suivons ensuite une allée plus aride avec quelques tombes anciennes avant de traverser le large lit desséché d’une rivière pour atteindre Baetov.
Après un arrêt pour acheter du pain, nous quittons cette bourgade par une piste graveleuse qui part au sud-ouest. Nous progressons vite, effleurant quelques petits villages entourés de cultures irriguées dont le vert contraste avec le sable des montagnes proches.
Il faut atteindre la rivière Ala-Bugu, que nous traversons par un bon pont, pour retrouver un vrai cours d’eau. Au village de Kosh-Döbö la piste repart vers le nord-ouest à l’assaut du col Ak-Kiya Ashuu à 2'932 mètres. Les derniers virages de celui-ci sont taillés dans des talus boueux marqués par les glissements de terrain. La piste, aujourd’hui heureusement sèche, est creusée par les sillons de ceux qui sont passés lors des dernières pluies. Après le sommet un nouveau panorama de moyennes montagnes s’offre à nous avec ses camps de yourtes.
Les plantes grasses envahissantes témoignent de la sous pâture et les formes pleines des animaux qui y mangent confirment ce constat. Alors que nous cherchons un endroit de bivouac, ce sont les grosses cicatrices d’une mine d’or et de ses installations qui balafrent la montagne. Nous entamons une descente, utilisée par de nombreux camions, avec de vastes virages en direction de la vallée sans trouver notre bonheur. Finalement nous nous faufilons, entre de grosses pierres, sur une plateforme autrefois terrassée lors de la construction de la piste, et nous écartons de la chaussée qui mélange désormais goudron et piste.
3 août 2018 Oy-Kaymg Ashuu - Kaldamo Ashuu
Beau, 14°C le matin, 25°C l’après-midi mais vent soutenu en montagne.
Nous démarrons vers 10 heures en direction de la ville de Kazarman, centre d’une région minière de la vallée de la Narin. Après une dizaine de kilomètres nous retrouvons un goudron dominant mais tourmenté par les nombreux camions qui descendent le minerai à l’usine d’affinage qui traite le minerai de la mine de Makmal que nous avons vue la veille.
Depuis son ouverture en 1986, une vingtaine de tonnes d’or ont été extraites mais l’épuisement du filon a réduit la production à moins de 500 kg par an dès les années 2'000.
Trois kilomètres après avoir dépassé l’usine nous débouchons sur une superbe et large route nouvellement asphaltée qui nous conduit dans la ville d’une dizaine de millier d’habitants.
Nous tentons de nous renseigner sur la magnifique route aperçue en contrebas peu avant notre arrivée en ville et on nous confirme qu’il faut la suivre pour atteindre Jalal-Abad. Après un arrêt ravitaillement nous reprenons en sens inverse la belle artère qui relie ou devrait bientôt relier en permanence Kazarman, actuellement isolée en hiver, au Nord et à l’Ouest du pays. C’est sans doute l’une des nouvelles pénétrantes de la « route du plastique » que les chinois construisent à travers tous les pays d’Asie centrale pour exporter leurs produits vers l’Ouest et le Moyen Orient. A 5 kilomètres à l’ouest de la ville un carrefour, sans indications, sépare la belle artère en deux branches aussi neuves l’une que l’autre. Nous prenons celle de gauche, admirée ce matin, qui traverse, puis longe la rivière Kök-Art avant de s’engager dans la chaîne de montagne Fergana Kirka. Nous apprécions le superbe ruban d’asphalte, juste interrompu par deux bases de travaux qui regroupent machines et production d’asphalte et d’éléments préfabriqués, et imaginons qu’il va nous conduire dans la vallée de la Fergana…
Mais après 28 kilomètres de « tapis volant », les impressionnants talus à 75°C qui ont été taillés pour faire place à la route, laissent place à un vaste chantier en escalier où de grosses pelles rétro sont prêtes à façonner la montagne.
Alors que nous sommes contraints de faire demi-tour, nous croisons un ingénieur chinois qui nous explique que la liaison sera terminée dans trois ans. Nous reprenons notre tapis volant sur 28 kilomètres pour prendre l’autre branche du carrefour de Kazarman. Après un kilomètre, le beau tapis cède la place à une piste graveleuse qui nous fait revenir à la réalité. Elle descend dans le canyon que la rivière Kök-Art a creusé et franchi celle-ci par un pont ancien mais solide, puis gravit l’autre versant de la dépression.
Après le casse-croûte, nous traversons un village qui nous aide à comprendre les techniques simplifiée de revêtement bitumineux. La piste est divisée en son centre par deux sillons parallèles de tout-venant graveleux de 50 centimètres de hauteur et distant d’un mètre l’un de l’autre. Des petits barrages élaborés tous les deux mètres cloisonnent la cuvette ainsi formée sur la longueur et chacun de ces petits bassins reçoit le contenu d’un tonneau d’une centaine de litre de liant bitumineux.
On peut imaginer qu’une lame niveleuse passe ensuite pour mélanger et étendre le nouveau revêtement sur la largeur de la chaussée…
La piste, quittant le village s’élève ensuite, en quittant le parcours existant sur notre carte, dans une vallée aux riches prairies où les récoltes de foin mobilisent les forces.
Nous prenons en stop une femme et son fils adolescent qui regagnent leur yourte située à une quinzaine de kilomètres.
Sur ce tronçon la piste devint fortement marquée par les intempéries, puis descend dans un vallon pour traverser une (aujourd’hui) petite rivière et franchir un poste de contrôle qui ferme la circulation en cas d’intempéries.
La moraine que nous gravissons est sujette aux chutes de pierres et aux glissements de terrains. Le trajet, sinueux et parfois gouillé, nous permet d’atteindre le col Kaldamo Ashuu, marqué par un névé, à 3'062 mètres d’altitude.
Une descente sinueuse nous conduit à un petit emplacement de bivouac, quinze kilomètres plus bas, sur un promontoire au-dessus d’une petite rivière.
4 août 2018 Kaldamo Ashuu - Osh
Bien que peu retiré de la piste dans cette vallée étroite, nous avons passé une bonne nuit car il a peu de trafic. Nous partons vers 9 h 30 pour continuer notre descente vers la Fergana. Peu à peu la vallée s’ouvre, toujours dans un milieu sujet à l’érosion qui détériore parfois une piste généralement bonne. Il n’y a pas de localité mais des camps de yourtes des éleveurs.
Puis les collines deviennent plus douces et se couvrent de prairies arborisées qui ressemblent à de grand verger.
Enfin des champs de céréales apparaissent entourant de riches villages qui ont pour toile de fond les sommets enneigés, à plus de 4'000 mètres, de la chaîne de montagne Babash-Ata Kirka.
Dans la mosaïque des champs, céréales prairies et tournesols, les moissons sont en cours sous un soleil éclatant.
Nous retrouvons le goudron et après une dizaine de kilomètres plongeons dans le canyon creusé par la rivière Kögart au-delà de laquelle nous rebondissons sur un plateau céréalier et arrivons à Mikhailovka où nous retrouvons une magnifique avenue centrale prête à accueillir… la route construite par les chinois de l’autre côté de la montagne !
Le format de la route redevient normal après quelques kilomètres. Nous sommes dans les bords de la vallée fertile de la Fergana et les villages comptent de nombreuses maisons opulentes et neuves. Nous arrivons à Jalal Abad, ville de 90'000 habitants et chef-lieu de la province du même nom. Située à 760 mètres d’altitude elle est le centre agricole de la Ferghana kirghize. Nous poursuivons notre chemin en direction de Özgon, 50'000 habitants, une des plus vieilles villes du pays fondée au 2ème siècle avant J.-C.. Elle fut capitale de toute la Fergana au 10ème siècle sous les turcs Kharakhanides. Elle comprend trois mausolées magnifiques de cette époque, malheureusement protégés aujourd’hui par une toiture reposant sur une lourde charpente métallique qui écrase ces monuments. La base d’un minaret, qui atteignait autrefois 40 mètres, est également visible à proximité, avec les superbes motifs de ses briques artistiquement disposées.
Nous prenons ensuite la route fort fréquentée vers Osh, située à une cinquantaine de kilomètres.
La ville, capitale de la province du même nom, compte 240'000 habitants et est située à 900 mètres d’altitude. Nous y entrons facilement, malgré le trafic assez intense, et nous dirigeons vers la guesthouse dont nous avons entendu grand bien par différents voyageurs. Cependant par un sadisme déjà exercé à Naryn, dont le GPS et sa complice la navigatrice ont le secret, on force Babar à s’enfiler dans des ruelles étroites alors qu’une large rue en impasse dessert l’établissement. On finit par y arriver et Babar trouve le repos sur le parking, sous de grands arbres qui bordent la propriété. Eau, électricité, douche, machine à laver, beau jardin calme, bref tout ce dont rêve le baroudeur est là.
Les voyageurs sont également nombreux et nous rencontrons deux motards coréens, Lee et Kim ainsi que Gérard et Marie qui viennent de la région d’Annecy, avec un Land Rover. Par la suite nous serons rejoints par Karen et Ruedi, un couple hollando-belge, qui fait le voyage d’Asie centrale avec un vieux camper VW. De nombreux plus jeunes routards, sac au dos ou à vélo, complètent ces riches rencontres.
A Osh deux questions se posent à nous, auxquelles nous devrons répondre dans les prochains jours avant d’aller au Tadjikistan. Sylviane a des troubles de la vue (mouches et éclairs) qui sont peut-être lié à l’altitude et il faudra investiguer. Nous avons appris le récent attentat commis contre des cyclistes occidentaux, au Sud de Douchanbé, qui a fait quatre morts et deux blessés et il convient d’évaluer les risques. Dès notre arrivée nous commandons, chez Füss, des demi-paliers pour nos têtes d’amortisseurs, suite à la perte de l’un d’entre eux.
5-9 août 2018 Osh
Beau, plus de 32°C la journée, nuits aux environs de 20-25°C.
Osh, vieille de plus de 2'000 ans, a toujours été une place commerciale importante. Elle était un important centre de production de la soie au 8ème siècle déjà et une étape importante pour le transport de cette précieuse matière vers l’Occident. Située à la charnière des mondes chinois, arabe et indo-européen, ses qualités étaient déjà louées au 16ème siècle par Babur, descendant de Tamerlan et fondateur de la dynastie des Grands Moghols qui a régné sur l’Inde de 1527 au milieu du 19ème siècle. Osh et la région de la Ferghana furent rattachées à l’empire russe lors des conquêtes de celui-ci en 1876. La région fut divisée artificiellement, après la révolution soviétique en trois républiques distinctes : ouzbèque, kirghyze et tadjique. Staline, qui se méfiait de ces populations à la tradition nomade et indépendante organisa un découpage en dentelle pour imposer que les liaisons entre la première et la deuxième ville de chaque république doivent traverser une voisine. Cela permettait de surveiller les mouvements des dirigeants. Cette situation, de même que la gestion de l’eau, base économique de ces terres arides, créent encore aujourd’hui des tensions entre ces pays devenus indépendants.
Le dimanche 5, jour de la plus intense activité, nous visitons le bazar qui est l’un des plus grands d’Asie. Il disperse ses échoppes sur une quinzaine d’hectares répartis des deux côtés de la rivière qui traverse la ville. La majorité des « quartiers » sont constitués de containers, sur un ou deux étages qui constituent autant de boutiques et de lieux de stockage qui bordent les allées couvertes de ce temple du petit commerce.
Des zones plus anciennes, et moins utilisées, sont constituées d’étales maçonnés ou en serrurerie avec plateau de bois. Les produits sont innombrables : épices et pâtes en vrac, riz, graines diverses, huiles, pains, sucre brut en gros morceaux, fruits frais ou secs et légumes, viandes, lessives, bonbons et biscuits à la pièce ou au poids, boîtes de conserve, cosmétiques, boissons de toutes sortes, développent leurs couleurs et odeurs au bord de grandes allées ou de petits sentiers étroits entre les piles exposées.
Des coursiers munis de chariots faits maisons avec roues de voitures ou de poussettes crient pour trouver leur chemin parmi les innombrables badauds.
Les pains ronds creux et bronzés, marqués de motifs réalisés à l’aide de petites brosses à motifs en aiguilles, donnent des envies de mordre.
Dans le domaine des vêtements et accessoires on trouve également de tout : articles ménagers, jouets, papeterie, habits de travail et de sortie, tissus, tapis, souliers, nappes, sacs à main ou à dos, baskets et polos, balais et corbeilles vannées, berceaux en bois, appareils électriques, rallonges et blocs multiples, plongeurs, fleurs artificielles, articles agricoles, outils à main ou électriques, cordages, couteaux, lustres, machines à coudre de toutes générations, serrurerie pour portes et fenêtres, baguettes de soudures et meules, etc.
Le bazar fournit tout ce qui est nécessaire à la vie des gens d’ici. La variété des produits est parfois limitée : pas de céleris de haricots ou d’épinards, des carottes mal conservées mais des patates et des tomates magnifiques et des pastèques à profusion.
Mais ici chacun des centaines de commerçants est un spécialiste qui se limite à vendre, sur quelques mètres carrés, un produit ou un type de produits. Certaines marchandes ont inventé le « main libre sans accessoires » en coinçant le téléphone entre le foulard et l’oreille, ce qui permet de disposer de ses deux mains tout en parlant.
Côté sud du bazar s’ouvre un parc qui longe la rivière sous de grands arbres. De nombreux jeux sont aménagés pour les enfants, des bancs et des petits canaux contribuent à l’agrément de ce lieu frais et calme, à l’abri de l’agitation du bazar.
En fin d’après-midi nous nous rendons à l’hôtel Nor, situé un peu au-dessus de notre guesthouse, et y découvrons une belle boutique d’artisanat et de produits locaux.
Le 6 est consacré à trouver un oculiste et à se rendre à son cabinet pour examiner les yeux de Sylviane. C’est chose faite en fin de matinée, il n’y a pas de problème lié à l’altitude.
Le reste de notre séjour est consacré aux travaux logistiques et au journal, agrémentés d’une ou deux escapades en ville. Un repas au restaurant dans lequel nous dégustons de magnifique chachlik de boeuf, les brochettes traditionnelles d’Asie centrale.
Les restaurants kirghizes ne ressemblent pas aux nôtres. Ils ont la forme d’espaces verts et arborisés à l’intérieur desquels sont répartie des tables, pour le repas assis sur chaise ou en tailleur, protégées du soleil ou de la pluie par des couverts individuels entourés de rideaux. La cuisine est dans un bord du parc et les serveuses ne ménagent pas leurs pas. Ces petites alcôves offrent un aspect privé sympathique.
Le centre d’Osh est dominé, à l’Ouest, par un promontoire rocheux appelé le trône de Salomon ou Suleiman, qui émerge d’une centaine de mètres de la cité. Elle est irriguée, comme toute la région, par de nombreux canaux qui permettent la croissance des arbres et plantes. Malheureusement les détritus légers comme les plastiques et pet constituent de piètres flottilles sur ce réseau.
Comme dans tout le pays, la population d’Osh est très ouverte, souriante et accueillante. Les pratiques religieuses doivent être dans le même esprit, ainsi environ un tiers des femmes ne portent rien sur leur cheveux, une moitié porte traditionnellement un foulard, et le reste un voile ne cachant pas le visage. Les ethnies principales habitants la ville sont d’origine kirghize pour 65% et ouzbèke pour 28%, le découpage soviétique expliquant cela.
Finalement notre décision est prise : nous visiterons le Tadjikistan. Nous continuons à aller à Paris, Berlin ou Madrid malgré les attentats qui s’y sont déroulés, alors faisons de même ici. En plus nous ne sommes pas sûrs de revenir dans cette région et regretterions longtemps de ne pas avoir vu le Tadjikistan que de nombreux voyageurs ont déjà admiré.
10 août 2018 Osh - Batken
Beau, déjà 35°C à 11 heures du matin, vivement la montagne !
Après le plein d’eau, nous quittons Osh en fin de matinée pour longer, sans y pénétrer, la frontière ouzbèke de la Fergana. La bonne route suit les vallonnements du bas de la chaîne de l’Alay Kirka qui marque, à une quarantaine de kilomètres au sud, le bord de la Ferghana et qui est son réservoir d’eau. Le haut des collines est aride tandis que chaque fond de vallon présente de belles cultures irriguées entrecoupées d’arbres.
Maïs, arbres fruitiers et vignes y poussent à profusion. La route est souvent bordée d’étals de fruits et de légumes de saison.
Après une centaine de kilomètres apparaissent les pompes à balancier, parfois vétustes, parfois en service, de puits de pétrole.
Il faut être attentif et suivre précisément la route car les enclaves ouzbèkes dans le Kirghizstan sont nombreuses et la moindre petite piste peut nous faire changer illégalement de pays.
En fin de journée, nous quittons la route pour trouver la tranquillité dans un petit village, 6 kilomètres avant Batken où nous franchirons la frontière demain.
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