MISE A JOUR 09.11.18
RUSSIE de la presqu'île de Sviiazh à Sergueiv Possad
du 1er au 11 octobre 2018
parcouru 1186 km
1er-2 octobre 2018 Sviazhsk - Vorsma
Nous nous élançons plein Ouest, sur la semi autoroute qui rejoint Moscou. La route, d’excellente qualité, traverse de vaste plaine légèrement vallonnées, couvertes de grands champs cultivés et de vastes forêts.
Comme souvent en Russie, des vendeurs locaux sont installés à proximité de la chaussée pour proposer des oignons, des patates, des fruits des plumeaux colorés ou de vastes étendages de vêtements.
Ils font preuve d’une immense patience en restant toute la journée en bordure de route pour vendre l’équivalent de quelques Euros de marchandises. Mais la situation économique des régions rurales est difficile, particulièrement pour les personnes âgées. Les retraites des travailleurs ordinaires ne dépassent pas une soixantaine d’Euros, tandis que celles des cadres particulièrement qualifiés sont à peine supérieures à 200 Euros mensuels. Le Président Poutine met actuellement en projet une réforme des retraites avec une élévation de l’âge d’accès qui est contestée. Cette réforme vise à pérenniser le financement des rentes et prévoit une élévation de la retraite de 55 à 60 ans pour les femmes et de 60 à 65 ans pour les hommes. Elle prévoit également une hausse des retraites de l’ordre de 30% qui devrait faire passer la rente moyenne aux environs de l’équivalent de 180 Euros. L’espérance de vie des hommes n’est cependant pas comparable avec la nôtre, puisqu’elle plafonne aux environs de 67 ans, tandis que celle des femmes est de 77 ans.
La route est parcourue par de nombreux camions, dans les deux directions et il faut garder un rythme de 75 à 80 km/h qui ne les gêne pas trop. Nous la quittons aux environs de Nijny Novgorod pour partir sur une artère plus petite en direction du Sud-Ouest et de la ville de Murom. Nous repérons sur notre GPS un petit lac en bordure de la ville de Vorsma, 11'000 habitants et nous installons sur ses berges pour la nuit.
Nous bénéficions de la vue sur le monastère de la Sainte-Trinité d’Ostrovoyozerski, construit au 16ème siècle sur une île du lac, et éclairé la nuit. Nous prévoyons la visite au lendemain matin et apprécions un magnifique couché de soleil.
Au matin, sous un ciel couvert, nous franchissons la passerelle piétonne qui relie la berge à l’île du monastère.
Nous atteignons celui-ci par un sentier de plateau de bois qui longe les berges et côtoie de beaux arbres.
Le monastère, destiné à des moniales, a été soutenu au fil des siècles par les familles Cherkassy puis Sheremetev, des familles de princes, généraux et archevêques qui se sont alliées au fil des siècles. Les premiers bâtiments et les églises étaient an bois et ont été remplacés par des églises de pierres dès la fin du 17ème siècle. Le monastère a été presque entièrement détruit par les communistes et est en cours de reconstruction depuis 2000.
Il est à nouveau occupé par quelques sœurs depuis 2007. Nous visitons la magnifique cathédrale carrée, inaugurée en 2010, consacrée à Mikhael Malein, un saint de l’église orthodoxe du 10ème siècle, qui a fondé des monastères et enseigné Athanase, fondateur des monastères d’Athos.
Les reste de la journée, sous la bruine est consacré au journal et au repos dans ce lieu enchanteur malgré la météo défavorable.
3 octobre 2018 Vorsma - Vladimir - Souzdal
Après avoir essayé de nous lasser de faire des images du monastère et de son reflet dans l’eau, nous quittons Vorsma.
C’est vers une autre ville princière que nous nous dirigeons après avoir traversé le fleuve Oka : Vladimir située sur l’un de ses affluents, la rivière Kliazma.
C’est entre bruine et pluie que nous atteignons la ville de 350'000 habitants, l’un des berceaux de la Russie, fondée en 1108 par l’un des Princes de Kiev, Vladimir Monomaque. C’est son fils qui transféra le siège des Princes de Kiev à Vladimir, et qui plus tard fonda Moscou et plusieurs autre ville pour accueillir les habitants du Sud de la principauté chassés par des pillards turcophones. Elle devint le centre de la principauté de Vladimir-Souzdal, la plus puissante principauté issue de la Rus de Kiev. Elle fut le centre politique du pays de 1169 à 1327. Elle fut également au 13ème siècle le centre de l’Eglise orthodoxe russe. Les invasions Mongoles du milieu du 13ème siècle dévastèrent la ville et la soumirent au paiement d’un tribu. Le Grand Khan adoubait les princes de Vladimir et les villes de la principauté subirent le même sort, atténuant fortement leur importance dans le pays. Finalement la principauté se désagrégea en 11 petits états.
Deux églises remarquables dominent la colline sur laquelle la ville fut fondée : la cathédrale de la Dormition et la cathédrale Saint-Dimitri. La première fut construite entre 1158 et 1160, en pierre blanche, puis reconstruite entre 1186 et 1189 après l’incendie de la ville. Elle fut dotée de galeries et agrandie pour devenir un édifice de 30 mètres par 30 mètres dont le sommet culmine à 32 mètres. Elle subit de modifications des percements et de sa toiture aux 18ème et 19ème siècles. Elle fut dotée d’un clocher séparé en 1810, qui fut relié à l’édifice quelques années plus tard. Elle contient une fresque du 12ème siècle. La deuxième fut édifiée entre 1194 et 1197 pour abriter une icône Saint-Dimitri ramenée de Constantinople. Elle est construite en pierre blanche et réputée pour ses magnifiques bas-reliefs qui présentent plus de 600 sujets différents (photos interdites). A l’origine elle était entourée de tours et reliées au palais princier mais ces aménagements ont été démolis dans une restauration du 19ème siècle, lui rendant une ligne d’une pureté exceptionnelle. Heureusement sa valeur culturelle fut reconnue par les bolchéviques qui l’épargnèrent. Elle connut une restauration dès 1937, puis en continu dès les années 1970.
Après avoir visité les deux superbes églises sous la pluie, nous nous consolons par une pâtisserie dégustée dans un salon de thé de la vieille ville mais renonçons à visiter davantage celle-ci. Nous regagnons Babar pour parcourir les trente kilomètres qui nous séparent de Souzdal. Là nous trouvons un camping superbe et très bien équipé qui est lié à un hôtel et donc ouvert à l’année. Bref, l’étape repos et logistique dont rêve tout voyageur eu long cours.
4-7 octobre 2018 Souzdal
Mauvais et pluie le 4 et le 6, beau avec nuages le 5 et le 7, nuits fraîches 1 à 5°C, journées 8 à 12°C.
Nous coordonnons nos activités avec la météo et consacrons les jours de mauvais aux activités logistiques : lessive, journal, site Internet, et les jours plus favorables aux visites.
Souzdal est sans doute le bijou de l’Anneau d’Or de Russie. La ville, dont la première mention date de 1024, ne compte que 10'000 habitants, gardant un caractère champêtre et accueillant. Elle a été pendant plusieurs siècles la capitale de plusieurs principautés du pays. Ses princes sont devenus souverains de Vladimir, puis de Moscou, rassemblant au cours des siècles ce qui allait devenir le noyau de l’empire russe. Si elle connut un déclin politique, la ville compensa par un essor religieux considérable. Elle eut jusqu’à quarante églises pour quatre cents familles. Aujourd’hui elle se visite agréablement à pied, en longeant de part et d’autre la rivière Kamenka qui la baigne.
Nous commençons par les églises les plus proches du camping qui sont deux édifices « dans leur jus et non ouverts à la visite ce sont Saints Cosmas et Damien, et juste à côté, l’église d’hiver de la Sainte-Croix. Les particularités hivernales du pays empêchent de chauffer les grandes et hautes églises et celles-ci côtoient souvent des édifices plus petits, et plus faciles à tempérer, qui sont utilisés pendant l’hiver. Nous longeons ensuite la rivière en admirant les épais et hauts murs du monastère de Saint-Euthyme, fondé en 1352 par le Prince de la ville Boris Constantinovitch. Des bâtiments d’origine en bois il ne reste rien et les constructions actuelles datent du 16ème et 17ème siècle.
L’église principale, la cathédrale de la Transfiguration du Sauveur fut construite à la fin du 16ème siècle et est décorée de fresques magnifiques datant en partie de cette époque. Le périmètre, clôt par des murs (1670-1680) de plusieurs mètres d’épaisseur, long de 1'200 mètres, et d’une hauteur de 7 à 8 mètres est très vaste. Il a une forme de trapèze de 300 mètres de hauteur avec des bases de 300 et 150 mètres de longueur. Un des nombreux bâtiments abrite un musée présentant des trésors artistiques de joaillerie, d’objets religieux et d’icônes, sans doute le plus beau musée que nous ayons vu dans cette thématique (photos interdites). Le périmètre du monastère est arborisé avec des arbres séculaires et comprend un grand jardin d’agrément et un vaste potager. Pendant ses premiers siècle le grand monastère, qui servait aussi de forteresse refuge, accueillait des hommes, mais il fut sécularisé une première fois sous la Grande Catherine, en 1766, pour devenir une prison pour détenus devenus réellement fous ou prétendus tels par le régime tsariste. Entre 1923 et 1939 il devint une prison politique puis hébergea des prisonniers de guerre italiens, tchèques, roumains et allemands dont le maréchal Paulus vaincu à Stalingrad.
Nous dégustons un excellent repas dans un coquet restaurant situé à proximité du monastère avant de déambuler dans la rue centrale de la localité entourée de magnifiques isbas anciennes aux fenêtres décorées.
Il est impossible de décrire toute les églises et monastères de la ville, nombreux et avec une histoire dense au fil des siècles. A l’extrémité Sud de la cité se trouve le kremlin (forteresse) de Souzdal. Au 11ème et 12ème siècle fut édifiée une forteresse avec un rempart de terre de 1'400 mètres de longueur surmonté de parois en bois renforcée par des tours en pierre. Au 15ème et au 17ème siècle une quinzaine de tours et de portes en pierre et en bois sont ajoutées mais un incendie détruit tous les ouvrages en bois en 1719. Le kremlin abritait la cours du prince et celle de l’évêque. Le principal édifice est la cathédrale de la Nativité, construite en tuf entre 1222 et 1225. Toute la partie supérieure est cependant reconstruite en brique au 16ème siècle. Les cinq coupoles en oignon, qui coiffent l’édifice, sont bleues et constellées d’étoiles dorées. Le palais des évêques a été construit du 15ème au 18ème siècle et est aujourd’hui un musée.
Une belle église en bois a été implantée près des remparts de terre en 1960. Elle provient du village de Glotovo où elle fut construite en 1766. Elle est un des éléments (extérieur) du musée des constructions en bois qui est situé à proximité, sur l’autre rive de la Kamenka.
A proximité du kremlin se trouve un vaste marché rectangulaire de 200 mètres par 60, avec déambulatoire à arcade, qui a été construit en deux étapes, entre 1806 et 1811 pour la partie Est, qui a été restaurée en 1970 simultanément à la construction de sa doublure à l’Ouest. Les commerces sont exploités sur deux côtés, Sud à proximité de l’accès au kremlin et Est qui borde une vaste place, avec l’église de la Résurrection (1720, été) et l’église Notre-Dame-de-Kazan (1739, hiver) qui borde la rue principale.
Le côté Nord, donnant sur une autre église en rénovation, et le côté de la rivière (Ouest), offrant un beau point de vue, sont malheureusement délaissés. La zone centrale non-couverte est utilisée comme parking et entrepôts.
Deux monastères sont à nouveau en activité près du centre-ville. Le monastère de moniale de la Déposition-de-la-Robe-de-la Vierge, fondé en 1207 et situé le long de la rue principale, a été sécularisé et partiellement détruit à la révolution. Il jouxtait le couvent de la Trinité, désaffecté en 1764 et ajouté aux propriétés voisines, dont la plus grande église avait été transformée en salle de spectacle et a été détruite par explosion à la fin des années 30. Seule sa tour des cloches, construite dès 1813 pour célébrer les victoires sur Napoléon, et séparée comme habituellement en Russie, a survécu et domine la localité de ses 70 mètres de hauteur.
Heureusement la superbe petite église de la Déposition-de-la-Robe, construite au début du 16ème siècle a été épargnée. Elle fut transformée en centrale électrique en 1929 par les soviets et restaurée dès 1960. L’autre monastère de moniale, le monastère Alexandre, est situé sur l’autre rive de la Kamenka et aurait été fondé par Alexandre Nevski vers 1240. Les premiers bâtiments ont disparus et ont été remplacé au 16ème et 17ème siècle par de nouveaux, ceints par un mur de clôture garni de tourelles.
Après ces quelques échantillons du riche patrimoine de Souzdal, dont nous avons visité une quinzaine d’édifices historiques, nous restons émerveillés par l’histoire et la richesse culturelle de cette ville.
8 octobre 2018 Souzdal - Yaroslavl
Nous quittons Souzdal en direction d’Ivanovo. Nous contournons la ville par l’Ouest pour partir en direction Yaroslavl, une autre pépite de l’Anneau d’Or. Cette région, riche historiquement, doit son développement à ses terres noires particulièrement fertiles qui dès le 10ème siècle ont incités des populations slaves de la Rus de Kiev à s’y installer. C’est ces terres, cultivées et boisées, que nous traversons dans notre visite des centres historiques de la Russie.
Yaroslavl, qui compte aujourd’hui plus de 550'000 habitants, a été fondée vers 1010 à l’embouchure de la rivière Kotorosl dans la Volga. C’est le grand Prince de Kiev Yaroslavl le Sage qui aurait fondé la ville à l’endroit où il avait combattu un ours qui devint l’emblème de la ville. Elle devint le centre d’une principauté indépendante à partir de 1218 et fut rasée plusieurs fois, en particulier par les Mongols en 1238, et chaque fois reconstruite. Elle fut rattachée à la Principauté de Moscou en 1463 mais demeura un centre commercial important, puis un centre textile dès le 19ème siècle. En juillet 1918, la ville devint le centre d’une insurrection pour chasser les bolchéviques du pouvoir. Les combats durèrent 6 jours et furent gagnés par l’armée rouge qui élimina les contre-révolutionnaires.
La ville, prospère au fil des siècles, a vu bâtir de nombreuses églises et monastères, principalement du 17ème siècle. A cette époque, sous le règne du Tsar Pierre le Grand qui y déporta des marchands de Novgorod, elle devint une plateforme d’échange entre l’Orient et l’Occident, reliant par des voies navigables la mer Caspienne et la mer Blanche. A partir de 1620, 40 églises en pierre y sont construite, souvent plus grandes que celles de Moscou. En 1658, 29 d’entre-elles sont ravagées par un grand incendie, mais aussitôt reconstruite. Elles donnent naissance à ce qu’on appelle » le style de Yaroslavl ». C’est au pied de l’une d’elle, l’église du Prophète Elie, au plein centre de la ville, que nous stoppons Babar, sur un parking de car, pour passer la nuit. Je ne suis pas très enthousiaste car nous sommes en évidence à proximité des bâtiments officiels qui ceinturent la place. Mais la navigatrice pense que tout ira bien…
Un quart d’heure après notre installation, alors que j’admire le crépuscule par la fenêtre, une voiture de police se place à nos côtés. Je fais un signe amical aux policiers qui répondent et me font signe de descendre. Ils me signifient avec le sourire que c’est un parking réservé pour les cars et je comprends qu’il est mieux de s’en aller vers un lieu plus discret. Nous gagnons donc celui que nous avions également repéré, un petit parking en bordure de la vieille ville, sur les rives de la rivière Kotorosl. A notre arrivée, quelques voitures nous empêchent d’occuper la position idéale mais leur départ, après une demi-heure, nous permet de nous y installer pour une nuit tranquille.
9 octobre 2018 Yaroslavl - Veliky Rostov
0°C pendant la nuit, beau avec 12°C pendant la journée, couverture en fin d’après-midi.
Nous commençons la journée par une visite de quelques trésors architecturaux de la ville, en commençant par le monastère de la Transfiguration du Sauveur situé juste à côté de notre bivouac. Ce monastère, fondé au 12ème siècle, est fortifié par un mur d’enceinte long de plus de 800 mètres, épais de 3 mètres et haut d’une dizaine de mètres, construit au 16ème siècle. Il était situé à l’angle Sud-Ouest du kremlin, dont les murs ont disparu au 18ème siècle, et en était le point le plus résistant, à proximité du pont de Moscou. Parrainé par plusieurs Tsars dont Yvan le Terrible et Michel 1er Romanov il bénéficia de nombreux dons et attributions de terres. Après la révolution, une rénovation visa à effacer les traces de l’insurrection contre révolutionnaire, puis le monastère fut affecté au musée d’architecture et d’histoire de l’Etat. Cela explique sans doute que ses églises et musées sont fermés à la visite le lundi… Nous admirons cependant son parc largement arborisés et l’extérieur des nombreux bâtiments historiques.
Nous partons ensuite en direction de la cathédrale contemporaine de la Dormition qui domine l’embouchure de la Kotorosl dans la Volga. La cathédrale originale a été détruite à l’explosif en 1937, deux jours avant la fête orthodoxe de la Dormition. Le nouvel édifice a été reconstruit dès 2004 avec le mécénat d’un homme d’affaire russe. Il est beaucoup plus vaste et massif que l’original et sa surface atteint plus de 2'000 m2.
Nous continuons la belle promenade, sous le soleil, sur les allées réalisées sur l’emplacement des anciens murs du kremlin, au-dessus de la Volga.
C’est l’occasion d’admirer de belles résidences des 18ème et 19ème siècle.
Nous retrouvons bientôt la place centrale appelée Sovietskaïa et l’église du Prophète Elie qui n’a pas voulu de Babar comme voisin au cours de la nuit dernière.
La première église de la ville fut construite et consacrée, à la demande du Prince Yaroslavl, au prophète Elie. L’actuel édifice a remplacé entre 1647 et 1650 deux églises en bois. Il fut édifié sur commande de riches lapidaires, les frères Skripine qui faisaient le commerce de pierres précieuses entre Moscou et l’Occident. Le grave incendie de 1658 endommagea seulement l’extérieur du bâtiment qui conserva la majeure partie de ses fresques originales.
Ces peintures, réalisées en 1680 par une association d’artistes de Kostroma, sous la direction de Nikitine et Savine, sont remarquablement conservées.
Nous suivons ensuite quelques rues du centre-ville, bordées de bâtiments des 18ème et 19ème siècles, avant que notre navigatrice gastronome trouve un restaurant, de la plus grande qualité, dans lequel nous savourons des plats délicieux et majestueusement présentés au prix d'un plat du jour en Suisse !!!
Nous regagnons ensuite Babar pour prendre la route en direction de Veliky (le Grand) Rostov situé à une soixantaine de kilomètres en direction de Moscou. Rostov, contrairement à son homonyme sur le Don, est petit par sa taille, mais Grand par son rôle dans l’histoire de la Russie. Le bourg de 30'000 habitants garde, comme Souzdal, un caractère villageois et nous pouvons stopper Babar dans une rue peu circulante à proximité des murailles de son fabuleux kremlin.
Une balade de reconnaissance me permet de découvrir le centre-ville avec ses nombreux bâtiments des 18ème et 19ème siècles « dans leurs jus ».
Une brève incursion dans l’enceinte du kremlin me révèle une partie des trésors que nous découvrirons le lendemain.
10 octobre 2018 Veliky Rostov - Peresslavl Zalesskyi
Rostov est une des plus anciennes villes de Russie, fondée sur les bords du lac Nero qui couvre une cinquantaine de kilomètres carrés. Avant sa colonisation, peu avant l’an 1'000, par les anciens slaves sous l’impulsion de Vladimir Ier, Prince de Kiev et Novgorod. La région était occupée par une ethnie finnoise, les Mériens. La christianisation des populations locales, dont Rostov était la base, dura plusieurs décennies. Un siècle plus tard, la capitale de la principauté de Vladimir-Souzdal fut déplacée vers cette dernière ville. Rostov resta cependant un centre religieux important qui se renforça particulièrement au 17ème siècle sous l’impulsion du métropolite (évêque) Sysoevitch qui tint la crosse de 1652 à 1690 et fut l’un des plus grands bâtisseurs d’édifices religieux. Il avait une influence considérable et dépendait directement du patriarche de Moscou, chef de l’église orthodoxe, qu’il assistait souvent. Sa résidence fut ainsi construite, à côté de la cathédrale existante, comme une forteresse, même si ce modèle était déjà désuet à l’époque. Un siècle plus tard, le siège du métropolite fut déplacé à Iaroslavl et le kremlin perdit de son intérêt et fut laissé à l’abandon. Cependant au 19ème siècle les moyens financiers de riches marchands de Rostov permirent une première rénovation et l’ouverture d’un musée. La signification religieuse des bâtiments s’étant estompée, ils échappèrent aux destructions bolchéviques mais furent fortement par un ouragan en 1953.
Une cathédrale fut construite au 11ème siècle au centre de la ville, en 1160 elle fut détruite par un incendie puis reconstruite en pierre blanche et connut à nouveau le feu en 1204. Reconstruite elle subit encore le feu, en 1408, qui détruisit sa voûte et sa coupole. La cathédrale actuelle date de 1508 à 1512 et est construite sur les bases de pierre blanche de l’ancien édifice.
Elle est située dans une avant-cour qui jouxte le kremlin et est actuellement en rénovation intérieure mais un accès partiel est autorisé. Il est captivant de voir l’ampleur du travail de rénovation d’un tel édifice (60 mètres de hauteur) dont les coupoles s’élèvent à plus de 30 mètres. Des échafaudages sont dressés contre une partie des murs et laissent entrevoir des fresques anciennes noircies qui attendent les restaurateurs. L’iconostase a été entièrement déposée et il ne reste que sa charpente en bois qui est fixée un bon mètre en avant du mur. Dans la nef on aperçoit, derrière les caissons décoratifs en bois partiellement démontés, les vieux crépis des murs, porteurs eux aussi de fresque ancienne.
On pénètre à l’intérieur du kremlin par la Sainte Porte située en face du parvis de la cathédrale et qui traverse les murs épais de la forteresse hauts de 8 à 10 mètres.
On débouche, comme dans les mille et une nuits, sur un grand parc arborisé avec une pièce d’eau qui doit faire plus de 2 hectares. A la périphérie de celui-ci se trouvent, outre le palais épiscopal, 5 églises. Celles-ci, outre leur particularité périphérique, ont leurs nefs situées au premier étage et sont accolées au mur d’enceinte, accessible par le chemin de ronde. Elles sont décorées de nombreuses fresques tandis que le palais épiscopal abrite un musée avec des icônes et objets liturgiques magnifiques.
Nous sommes émerveillés par cette densité patrimoniale unique et splendide.
Nous quittons Rostov en début d’après-midi pour parcourir une quinzaine de kilomètres en direction du monastère de Borisoglebsky. Fondé en 1363 par deux moines sous la bénédiction de Saint-Serge de Radonège. Le monastère, initialement construit en bois, fut construit en pierre et brique au début du 16ème et entouré d’une impressionnante muraille de 2 à 3 mètres d’épaisseur, de dix à douze mètres de hauteur renforcée par une quinzaine de tours. Ces fortifications, longues de près de 1,5 kilomètre, lui ont permis de résister pendant deux ans à un siège des Polonais.
On pénètre dans l’enceinte par une église-porte monumentale qui date du 17ème siècle et fut construite, avec d’autres ouvrages sous l’impulsion de Sysoevitch.
Les quatre autres églises de l’enceinte datent des 16ème et 17ème siècles. Le grand monastère, qui n’a pas changé au cours des trois derniers siècles, est partiellement en activité et partiellement un musée. Les bâtiments sont malheureusement fermés et après avoir déambulé autour d’eux nous quittons ce lieu hors du temps.
Nous reprenons la route en direction du Sud-Ouest et de Pereslavl-Zalesski. La ville (40'000 habitants) fut fondée en 1153 sur les bords du lac Plechtcheïevo (50km2) sur lequel Pierre le Grand conçu une flottille qui fut à la base du développement de la flotte russe. Nous traversons à nouveau, par une très bonne route, des plaines alternant cultures et forêts. Nous arrivons au crépuscule dans la ville que nous traversons, puis longeons la rivière Troubèje et trouvons un bivouac 300 mètres avant son embouchure dans le lac, marquée par l’église des 40 Martyrs. Nous sommes sur une place, à côté d’une croix, et la partageons avec de nombreux pêcheurs qui sont au bord du cours d’eau. La pêche est sans doute un complément alimentaire bienvenu pour les nombreux retraités qui s’y adonnent.
11 octobre 2018 Peresslavl Zalesskyi - Sergueï Possad
Au matin je fais une petite excursion jusqu’à l’église des Quarante Martyrs qui marque l’embouchure de la rivière dans le lac Plescheïevo. L’édifice date de 1755 et aurait pu s’appeler l’église des Quarante pêcheurs car ils sont au moins aussi nombreux sur les 300 mètres de rivière de mon parcours.
Nous partons ensuite avec Sylviane, par les ruelles entre les isbas, pour visiter le monastère Nikolski qui aurait été fondé au 14ème siècle. Il aurait accueilli le Tsar Ivan le Terrible, au 16ème siècle, qui l’aurait par la suite fait construire en pierre. Détruit par un incendie il fut restauré et accueillit, au début du 18ème siécle, Pierre le Grand qui y séjourna plusieurs fois lorsqu’il développait sa flotte. Il fut détruit par les soviétiques et est en restauration depuis 1999. On se rend compte de l’ampleur des restaurations dans un bâtiment conventuel vide du sol au toit. Sa cathédrale Saint-Nicolas, déjà restaurée, domine le site et est entourée de jardins magnifiques.
Nous regagnons ensuite Babar pour aller visiter deux autres monastères parmi ceux qui entourent la cité. Elle est au milieu de collines et la tradition voulait que les voyageurs se retournent depuis leur sommet pour la saluer en la quittant. Le monastère fortifié de la Dormition-Gorinski est le lieu du salut lorsque l’on part en direction de Moscou. Sa tour des cloches, intégrée à la muraille, offre une magnifique vue sur la ville.
Le monastère a été fondé au 14ème siècle et possédait de nombreux villages. Ses archives brulèrent en 1722 et son histoire ancienne est peu connue. Il a ensuite été fermé en 1744, utilisé comme résidence d’évêque puis comme établissement d’enseignement et enfin abandonné pendant près d’un siècle puis transformé en musée. La cathédrale de la Dormition, de 1750, est en cours de restauration et fermée. L’église de tous les Saints, et ses bâtiments annexes, sont utilisés comme salles muséales et présentent des icônes anciennes magnifiques dont l’une est en copie par une artiste spécialisée. On découvre également des tableaux de peintres des 19ème et 20ème siècles et une exposition sur les enseignements et recherche faites par les professeurs dans ces lieux, il y a un siècle.
Nous roulons ensuite moins d’un kilomètre pour atteindre le monastère de la Sainte Trinité et Saint Daniel. Ce dernier est né vers 1460 à Pereslavl et s’est consacré à la vie religieuse à l’âge de 17 ans. Après avoir œuvré dans un autre monastère il est revenu dans sa ville et a fondé ce monastère en 1508. La communauté se consacrait aux indigents et aux malades et créa le premier hôpital de la ville. Daniel était respecté tant par les humbles que par les nobles et fut choisi en 1630, par le Grand prince de Moscou Vassily III pour être le parrain de son fils, le futur Ivan le Terrible. C’est à cette occasion que Vassily fit construire la cathédrale de la Trinité. Le monastère fut ravagé par les Polonais en 1607 et 1612, mais aucun religieux ne fut tué. Une deuxième église et plusieurs bâtiments conventuels furent reconstruits au cours du 17ème siècle. La révolution entraîna la fermeture et le pillage du monastère et son utilisation comme garage pour machines et tracteurs, camps de prisonniers de guerre et camp d’entraînement militaire. Il fut rendu à l’église orthodoxe en 1993 et restauré depuis.
Notre bon de taxe poids-lourd étant périmé, nous prenons ensuite le chemin des écoliers sur des petites routes taconnées pour gagner, à travers de belles forêts, campagnes et petits villages, Sergueï Possad, où se trouve l’une des 12 Laures de l’église orthodoxe célébrant mon Saint patron, l’un des plus vénérés de Russie.
Nous trouvons notre place de bivouac sur un parking, en face du marché couvert, à 500 mètres de la Laure.
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